Jeudi 5 septembre.
Cinquième jour : Rome est à 1649 kilomètres.
Je traverse Villecerf, dans la vallée de l’Orvanne. En principe il resterait 35 kilomètres à faire jusqu’à Pont-sur-Yonne. Je suis parti du gîte plus tard que prévu, le petit déjeuner, très copieux, a dû attendre l’ouverture de la boulangerie à 7h30. Mon hôtesse, au début assez réservée, à moins que ce soit moi qui n’étais pas très engageant, a un peu parlé ce matin. Elle a une maison de famille à Conques située sur le Chemin, et connaît donc bien ce genre de périple.
Je suis en forme. Hier soir j’ai quand même pris du paracétamol pour essayer de gommer toute cette fatigue. Enfin je ne sais pas si c’est de la fatigue ou nerveux, on dirait par moment que je suis comme parcouru par des ondes. Peut-être une légère déshydratation. En fait je m’aperçois que je n’ai jamais la sensation de soif, et le soir je constate que j’ai à peine bu un litre d’eau, vraiment pas grand-chose et sans doute insuffisant vu la distance et la chaleur. Ça ne m’inquiète pas, mais il va falloir que je me force, cela m’avait joué des tours sous la canicule des plaines d’Andalousie.
Il fait très beau, hier dans Moret il était affiché 28 °C et ce matin, à 7h30, il y avait 14 °C.
Demain Ramon ne travaille pas et je me suis invité pour une journée de repos. Compte-tenu de la pénurie d’hébergements dans la région la prochaine étape sera encore de l’ordre de 40 km et ce petit break sera le bienvenu. Ménageons la monture. Il faut aussi impérativement que je m’achète des chaussettes. Mis à part ces considérations d’intendance, on en profitera pour visiter Sens et discuter plus longuement. Nous nous sommes côtoyés quelques jours sur la Via de la Plata et avons toujours gardé le contact d’autant plus que suite à la crise économique en Espagne il a atterri à Sens où il a trouvé du travail.
J’ai abandonné le GR qui escalade les collines pour lui préférer une petite route goudronnée, déserte. C’est peut-être moins bucolique, mais c’est plus court et cela permet de découvrir les villages plutôt cossus comme celui de Dormelles : villas somptueuses, anciens moulins, grosses fermes…
Petite pause, au niveau du 130e km sur ma carte, dans un bois nommé Guillot, à l’entrée duquel il est sympathiquement indiqué « Attention zone piégée ». J’y trouve un arbre accueillant, on sympathise, il me laisse repartir sans me pincer les fesses. Il fait chaud. La campagne devient de plus en plus vallonnée, mais la route est quasiment plate, j’avance bien.
A Montmachoux je perds une demi-heure à la recherche du GR très mal balisé. Juste avant d’arriver il y avait un beau groupe d’arbres avec au milieu une croix de Saint-Nicolas qui doit faire partie du « Sentier des croix » fléché dans le village dominé par une grosse église que je ne suis pas allé voir : il fait trop chaud et j’ai pris du retard.
Pause casse-croûte dans la forêt cette fois apparemment sans pièges qui précède Saint-Agnan. Il resterait dans les 17 km à faire. Il fait toujours très beau, je me mets à l’ombre assis comme d’habitude contre un arbre, le dos sur le sac, le sac contre l’arbre. Je déguste 20 cm de pain sec récupéré ce matin. En route je n’ai pas trouvé où m’approvisionner, mais ça devrait suffire, j’ai bien profité du plantureux petit déjeuner et ce soir Ramon qui aime bien cuisiner va probablement me gâter ou on ira au restaurant. Aujourd’hui j’ai l’impression que je bois un peu plus, peut-être que dans ce domaine aussi il faut retrouver le bon rythme.
Après Gerjus le chemin suit à nouveau l’aqueduc de la Vanne qui ici circule sous terre. Il fait très chaud, sur du goudron on sent la chaleur qui monte à l’assaut des mollets. Quelques parcelles vertes, le rouge des toitures et le blanc des chaumes ou de la craie qui affleure dans l’ocre des labours composent des tableaux paisibles.
18h30, ça y est je suis à la gare de Pont-sur-Yonne où Ramon va venir me récupérer. Pas un bistrot, même pas un banc. Il a fallu que je m’éloigne un peu pour en trouver un. Je suis content d’être arrivé. Même les mobylettes qui tournent sur la place ne me gâchent pas ce plaisir. Sur la fin la conduite d’eau escalade une colline qui après quarante bornes m’a paru très abrupte.
153 kilomètres parcourus depuis chez moi dont 40 aujourd’hui.
Ci-dessous une galerie de photos, d’éventuelles précisions sur des curiosités locales, la navigation vers les étapes suivantes ou précédentes et la possibilité de déposer un commentaire.
ZOOM
- D’après Wikipédia, « En 599 ou 600, Dormelles est le lieu d’une bataille … La bataille semble avoir eu une grande ampleur… Le chiffre de 30 000 morts est mentionné, ce qui ferait de cette bataille l’une des plus meurtrières de l’époque mérovingienne. L’Orvanne qui coule à Dormelles aurait été tant obstruée de cadavres qu’elle en aurait dévié de son cours. »
C’était beaucoup plus calme lors de mon passage.
C’est passionnant, merci. Les photos sont comme toujours non seulement belles mais évocatrices et donnent envie. J’aime beaucoup la table d’orientation, merveilleux repère local. Quant au « Zoom », super idée !!!