Vendredi 13 septembre.
Treizième jour : Rome est à 1415 kilomètres.
8 h 45, je quitte le Val Bruant. Mes hôtes ne m’ont pas fait payer le petit-déjeuner : compte tenu de leur retour de voyage ils estiment que c’était une version simplifiée de celui qu’ils servent d’habitude, peut-être aussi est-ce leur façon d’encourager un pèlerin. Dans tous les cas, merci.
Nous avons pas mal discuté, d’où ce départ tardif. Ils se demandaient quel pouvait être mon âge. Je leur ai proposé de deviner. « Soixante-cinq ? ». Ce n’était pas loin, mais ils sont polis, peut-être que j’en parais vingt de plus.
Ils m’ont suggéré un itinéraire qui longe le mur de leur propriété, traverse la forêt puis rejoint la D3. D’après eux ce serait le tracé authentique de la Via Francigena, l’ancienne voie romaine, mais pour des raisons que je n’ai pas très bien comprises, (En raison de la chasse ? Risques de recevoir des balles perdues ?) le GR145 en a été légèrement détourné. De toute façon mon guide anglais qualifie la D3 de « very busy road ». Donc on va éviter.
Aujourd’hui direction Langres, à vingt-sept kilomètres, chez Alexandra. J’ai l’impression que ce sera entièrement sur route. Il fait frais, le ciel est couvert. Mes mollets un peu tendus au départ ce sont montrés coopératifs au bout de quelques pas. En chemin des vaches me suivent des yeux comme si j’étais un train.
À Giey-sur-Aujon, pendant un long moment une tondeuse tractée s’est attachée à mes pas, je me serais bien passé de cette marque d’affection. Dans toute la région les maisons sont en pierres plates empilées les unes sur les autres, il y a très peu de brique.
D’après les informations en ma possession les distances des étapes après Langres sont de dix-sept, vingt-cinq, vingt-cinq, dix-sept, etc kilomètres. Ce sont des étapes assez courtes, mais si je veux en cumuler deux dans la même journée cela fait tout de suite plus de quarante kilomètres. Soit je me traîne, soit je m’épuise. Ce soir je passerai à l’Office de Tourisme pour creuser la question.
Au bord de la route de grands crucifix en pierre avec souvent sur le socle le nom du généreux donateur ou en souvenir de quelqu’un. Ici : « Marie Bouchet – 1807 ».
9 h 09, Saint-Loup-sur-Aujon, un couvent de taille impressionnante trône au milieu du village. Mes hôtes m’ont appris que les sœurs étant de moins en moins nombreuses et très âgées, il était question de le vendre, ce qui suscite des convoitises, certains voudraient le transformer en chambres d’hôtes.
Midi, je quitte Vauxbons. Pour éviter une pluie fine et perçante je me suis réfugié dans un joli lavoir le temps d’une pause casse-croûte. Profitant d’une éclaircie je ne m’y suis pas attardé : il fait froid.
13 h 05, je franchis l’autoroute A31 un peu après Mardor. En chemin des chevreuils dans un pré. Il fait beau. Il resterait une dizaine de kilomètres.
Peu après Saint-Ciergues et son impressionnante digue du barrage du lac de la Mouche qui alimente le canal de la Marne à la Saône je rejoins le GR145, la Via Francigena.
Quinze heures, j’aperçois Langres sur son éperon. Seize heures, j’entre dans sa citadelle. Petit tour de ville, visite de la cathédrale Saint-Mammés, passage au pied de la statue de Denis Diderot. Il commence à pluviner. À l’Office de Tourisme, accueil très chaleureux, mais je n’y apprends rien que je ne connaisse déjà.
Suite à cet « appel à l’aide » lancé avant mon départ sur la Via Francigena, Alexandra avait proposé de m’accueillir. Nous ne nous connaissons pas, enfin, elle, me connaît un peu par la lecture de mes récits de marche vers Compostelle. Au mois d’août elle a consacré l’intégralité de ses congés à parcourir le Chemin de Compostelle du Puy-en-Velay à Moissac. Est-ce cette expérience commune de jacquets ? D’emblée le courant passe, nous nous sentons à l’aise et sa chatte Mimi m’adopte.
Après les ablutions d’usage il me faut trouver l’hébergement du lendemain. Alexandra m’aide et fait des recherches de son côté. À Coublanc, à environ vingt-cinq kilomètres, une distance raisonnable, ni trop court ni trop long, tout est complet. Alexandra contacte ses parents pour leur soumettre le problème, les amis dont ils lui communiquent les adresses seront tous absents ce week-end. Fatalitas ! Le week-end ! Au bout d’une heure de recherche vaine je me décide pour Champlitte, à une quarantaine de kilomètres. C’est un hôtel de la chaîne Logis de France, ce n’est pas donné, mais il faut bien avancer.
Nous avons beaucoup discuté, du Chemin, de nos souvenirs, de nos vies. Elle vient juste d’emménager dans un bel appartement, les lampes n’ont pas encore leur abat-jour. Pour les besoins de son travail elle voyage dans le monde entier et elle compense le stress de cette activité par le chant, le sport, la montagne, la nature…
Après un petit apéritif, soupe de légumes, lasagnes, fromage de Langres, évidemment obligatoire, une autre sorte que celui présenté par Agnès. À la première bouchée elle ressent immédiatement des irritations aux yeux. Elle y est allergique, elle en a pris pour m’accompagner, d’habitude elle peut en avaler un peu, mais cette fois cela a été instantané. Heureusement le lendemain matin tout sera revenu dans l’ordre, je m’en serais voulu. Puis vient l’incontournable tarte aux mirabelles, nous en avons ri. Le tout servi avec un vin rouge de la région. Une rencontre des plus sympathiques. Quelques années plus tard je recevrai un message m’annonçant qu’elle est arrivée à Compostelle.
374 kilomètres parcourus depuis chez moi dont 27 aujourd’hui.
Ci-dessous une galerie de photos, d’éventuelles précisions sur des curiosités locales, la navigation vers les étapes suivantes ou précédentes et la possibilité de déposer un commentaire.
ZOOM – En savoir plus sur :
- La voie romaine à Arc-en-Barrois
- Le lac de la Mouche
- Le couvent de Saint-Loup-sur-Aujon
- Langres