Mardi 3 septembre.
Troisième jour de marche : Rome est à 1694 kilomètres.
Direction Arbonne-en-Forêt où j’ai réservé une chambre. Avec celle de Sermaise, ce sont les deux seules réservations effectuées avant mon départ. Dans mon sac à dos une pomme, une tomate, une part de quiche offertes par Pascale et beaucoup d’humidité : ma poche à eau s’est littéralement vidée dans mon sac et sur le plancher de mes hôtes. François m’a proposé de me donner la sienne, mais ce doit juste être un problème de fermeture, quelquefois le pas de vis du bouchon de remplissage se met de travers. J’aurais dû vérifier. Il faut ranimer les routines élémentaires du marcheur, j’aurais préféré que ce rappel à l’ordre m’arrive ailleurs, je suis confus. Heureusement les poches étanches ont été efficaces, mes vêtements sont secs.
L’étape est courte, une vingtaine de kilomètres. On aborde la forêt de Fontainebleau et je n’ai rien trouvé d’autre à une distance raisonnable sans trop infléchir ma trajectoire. Hier soir je suis arrivé un peu fatigué et sûrement légèrement déshydraté, avec les jambes raides. Il faut relancer la machine, lui réapprendre l’endurance et si malgré une nuit passée dans un demi-éveil ce matin je suis en forme et sans courbatures, une journée sans forcer ne peut pas faire de mal. Le voyage idéal pour mettre en pratique « chi va piano, va sano e va lontano ».
François m’a indiqué un itinéraire depuis chez eux. D’abord un long chemin à travers champs, puis on longe un aqueduc enterré qui alimente Paris (L’Aqueduc de la Vanne) pour arriver tout droit sur Dannemois et son moulin de Claude François. J’y retrouve le GR, puis une allée majestueuse où on se sent important rien qu’en l’empruntant, me conduit face au château de Courance.
Après le bel ordonnancement du parc et des jardins qu’on aperçoit à travers les grilles, c’est la forêt de Fontainebleau avec sa bruyère, ses fougères, ses sentiers sablonneux aux noms évocateurs comme celui où je fais une pause dans un éboulis de rochers à proximité de la « Gorge aux fauves » : « Le Chemin de la roche qui tourne ». En pleine nuit on doit avoir sa ration de petits frissons, mais en ce moment le soleil est radieux et j’en profite pour faire sécher mon sac. Ma poche à eau a cessé ses caprices. Je tente une petite sieste, mais il fait trop chaud, étouffant, l’air ne circule pas. Je repars. Vers 15 heures j’atteins le gîte situé dans une zone résidentielle en pleine forêt qui me fait penser à celles des bords de mer dans les Landes, les villas les plus modernes y côtoient de simples maisons en planches, le tout desservi par un réseau de chemins étroits où je m’égare à plusieurs reprises.
Sur leur site Internet on voit une maison circulaire dans un arbre et je m’étais imaginé dans un petit cabanon bucolique, mais en fait c’est un genre de petit studio intégré au bâtiment principal qui m’attend. Cette petite déception est vite chassée par une hôtesse enjouée qui m’accueille avec un jus d’orange bien frais. Voilà toute une après-midi à mettre à profit pour faire ma première lessive, réserver mon prochain hébergement et bien sûr buller.
Le soir, à cinq minutes du gîte dans la ville proprement dite, je m’attable dans un établissement s’intitulant « Sandwich-Pizzeria ». Le patron me raconte qu’il y a peu de temps une Allemande avec une petite charrette est passée ici, en route vers Compostelle. En partant il m’offre quatre Spéculoos en signe de soutien. Il a du mérite, car je me rends compte que mes réponses aux questions posées sont souvent succinctes, que mes interlocuteurs aimeraient sans doute des développements plus fournis, mais aujourd’hui je ne suis pas d’humeur, un début de blues peut-être, encore quelque chose à réapprendre, la solitude, ou plus exactement « être seul ».
Sur le chemin du retour, j’entends quelqu’un derrière moi me héler : c’est le patron qui m’a rattrapé en vélo pour me rapporter ma polaire oubliée sur le dossier de ma chaise. Cela me fait chaud au cœur. Merci patron ! Je ne suis pas si seul.
88 kilomètres parcourus depuis chez moi, dont 20 aujourd’hui.
Ci-dessous une galerie de photos, d’éventuelles précisions sur des curiosités locales, la navigation vers les étapes suivantes ou précédentes et la possibilité de déposer un commentaire.
Bonjour Anne,
Depuis le temps on ne sait plus qui marche dans les pas de l’autre ;o)
En effet je vais suivre cet aqueduc jusqu’à Pont-sur-Yonne avant Sens. J’ai vérifié sur une carte, il s’agit bien du même aqueduc, l’Aqueduc de la Vanne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Aqueducs_de_la_Vanne_et_du_Loing qui alimente Paris.
A bientôt (enfin j’espère) pour la suite.
Pierre
Bonsoir Pierre
Toujours un grand plaisir à lire ton récit et admirer les photos. Merci, tout plein.
Une surprise dans ce dernier article….
Le printemps dernier, entre Vézelay et Paris, fatiguée de me perdre sur ce chemin à contre balisage, j ai suivi cet acqueduc enterré. L étape entre Sens et Ville St Jacques. Je ne savais pas alors, qu une fois encore, je marchais dans tes pas ! Mais j y avais fait une étonnante et magnifique rencontre, caché dans les hautes herbes, un faon nouveau-né.
Merci, à te lire, je revis cet instant « suspendu ».