Aoste : étape n° 28 – Arrivée en Italie – Ma via Francigena

Du col du Grand-Saint-Bernard à Aoste
Du col du Grand-Saint-Bernard à Aoste

Dimanche 29 septembre.
Vingt-neuvième jour : Rome est à 1007 kilomètres.

Cette nuit j’ai eu le dortoir pour moi tout seul : le compagnon de chambre qui m’avait été annoncé ne s’est pas présenté. A-t-il trouvé une place en face, à l’Hospice, ou dans un autre dortoir ? Il faut dire qu’hier soir au restaurant de l’hôtel, à part un gars en vêtements high-tech et tongs parlant très fort dans une sorte de gros téléphone, entre tablette et portable, avatar du « faux cadre de France Télecom » dans le film « Saint-Jacques… La Mecque », personne ne correspondait au profil « pèlerin » ou « randonneur ». Ce matin je l’ai revu à l’accueil, alors qu’il est surmonté d’une brosse très courte il rendait un sèche-cheveux : un méticuleux ou peut-être pour ses chaussettes.

Saint-Bernard se cache dans la brume
Saint-Bernard se cache dans la brume

Pas de ronflements à craindre, la satisfaction d’être arrivé jusque-là, tout était propice à un sommeil réparateur, mais est-ce le vin d’hier soir ? l’altitude ? l’effort de la veille ? ou la crainte du mauvais temps ? j’ai passé une très mauvaise nuit avec un mal de crâne qui ne s’est dissipé qu’au petit matin. Je me sens quand même en forme, sans doute l’excitation de cette nouvelle aventure. J’espère que mon niveau zéro en italien ne sera pas trop pénalisant.

Descente dans la brume
Descente dans la brume

Le petit déjeuner n’étant servi qu’à 8 heures, j’ai quitté l’hôtel à 8 h 45 et je ne suis pas vraiment en avance surtout que la météo avait raison, de l’autre côté du lac la statue de Saint-Bernard se cache dans les nuages. La descente va se faire dans la brume, c’est dommage, mais j’ai quand même bien calculé mon coup, cela aurait été vraiment frustrant de faire la montée dans ces conditions. En route pour l’Italie, j’entame ma cinquième semaine de marche vers Rome.

Le 103 : la via Francigena
Le 103 : la via Francigena

Si au départ on n’y voyait pas grand-chose, la visibilité s’améliore au fur et à mesure de la descente et quelques trouées dans la brume laissent découvrir des paysages grandioses. On se croirait sur une autre planète. Après le GR 145 en France, la Route 70 en Suisse, le chemin porte désormais le numéro 103. La descente est encore plus accentuée que la montée de la veille : Echevennoz à environ 16 kilomètres est 1200 mètres plus bas que le col. Gare aux genoux. Dans le fond de la vallée j’aperçois la sortie du tunnel qui passe sous le col du Grand-Saint-Bernard.

Saint-Rhémy-en Bosse
Saint-Rhémy-en Bosse

10 h 30, Saint-Rhémy-en-Bosse, à 1600 mètres environ. Dans le village tous les lampadaires sont ornés d’un pèlerin. Tout est fermé, peut-être parce que c’est dimanche. Il faudrait que je trouve quelque chose à manger pour midi. Avant d’arriver ici il bruinait un peu, on traversait les nuages, l’humidité imbibait tout, je m’étais équipé, guêtres et cape, maintenant c’est fini, on est passé en dessous. Malgré sa pente assez forte la descente depuis le col est assez fluide on peut y maintenir un bon rythme, il n’y a pas de difficultés. Pour le moment je n’ai toujours pas de réseau italien, pourtant je vais avoir besoin du téléphone pour réserver un lit.

Etroubles : un bar au poêle !
Etroubles : un bar au poêle !

Un peu plus de 11 heures je viens de traverser Saint-Léonard un village pimpant peut-être plus reconstruit, plus moderne que Saint-Rhémy.

12 h 20, Etroubles, à environ 1350 mètres. J’y ai trouvé un bar, qui propose des repas. Je ne sais pas si c’est mon look proche de celui d’un SDF, peut-être la patronne craignait-elle que je n’empeste la salle, mais elle m’a suggéré de manger dehors. Je lui ai répondu que c’était aimable de me le proposer, mais qu’il faisait quand même un peu frais, surtout qu’à l’intérieur je distinguais un petit poêle apparemment plus chaleureux que sa propriétaire. Pour en finir elle a accepté de me laisser entrer en me précisant que c’était elle qui décidait du menu. Parfois il faut vraiment avoir faim… Au final c’était très bon et la tenancière plus aimable qu’au premier abord…

Saint-Oyen : panneau via Francigena
Saint-Oyen : panneau via Francigena

Partout la via Francigena est à l’honneur, hôtels, restaurants portent son nom, des statues de pèlerins jalonnent le chemin, des panneaux vantent ses bienfaits, la région en attend sans doute de fortes retombées économiques.

15 h 15 me voilà dans Gignod que surmonte une énorme tour carrée moyenâgeuse. En route on suit presque tout le temps des canaux d’irrigation dans un faux plat descendant. C’est très agréable même s’il faut quand même faire attention à ne pas glisser sur les pierres humides.

Signayes : Chapelle de Saint-Bernard
Signayes : Chapelle de Saint-Bernard

16 h 30, je suis à Signayes où il y a une belle église à la façade peinte, ce qui me paraîtra banal dans quelques jours. Une petite voiture vient de me croiser. À bord quatre dames aux cheveux gris me font de grands signes. Je leur rends leur bonjour et j’entends « Signore, signore » puis quelque chose qui sonne comme « Bon voyage » : ce n’est pourtant pas la Pentecôte, mais ça y est je comprends l’Italien, et en plus c’est stimulant. Aoste est désormais proche.

J’y arrive vers 17 heures et après un petit tour de ville je me retrouve devant la cathédrale où je suis interpellé en français : « Vous faites la via Francigena ? ». Ce sont des Français, ils sont trois, arrivés plus tôt dans l’après-midi d’Echevennoz où hier ils ont fait étape comme le conseille le guide quand on veut ménager ses genoux dans la descente. Ils sont installés à l’hôtel « Al Caminetto », celui où j’ai également réservé une place en route, un peu excentré mais à un prix « pèlerin » abordable. Là-bas il y a aussi deux Canadiens qui arrivent de Canterbury et deux Brésiliens, quant à eux ils sont partis de Besançon ; tous espèrent atteindre Saint-Pierre de Rome.

Aoste : porche de la cathédrale
Aoste : porche de la cathédrale

Le soir, pour le repas, comme j’étais seul on m’a placé à côté d’une dame italienne, elle ne parlait pas français, et moi pas italien, on a échangé quelques sourires, mais ça n’a pas été beaucoup plus loin. Le menu était très très très copieux, après une entrée de crudités est arrivé un plat de spaghetti qui aurait pu satisfaire quatre convives et que je pensais être le plat principal, mais non, il a été suivi par un plat de viande avec des petits légumes, carotte, haricot vert… et en dessert une part de glace.

Ensuite j’ai rejoint les francophones à leur table, les Brésiliens restant dans leur coin. On a beaucoup discuté, cela fait du bien. Les Québécois en sont à leur quarante-septième jour sur la via Francigena. Tous ont déjà été à Compostelle. J’ai eu encore droit à l’évocation de Christophe Ruffin, de son humour au deuxième degré… Il faudra que je le relise, j’ai peut-être manqué … une marche.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

Le soir en consultant mes mails je m’aperçois qu’Hélène a déposé un commentaire sur l’article que j’avais rédigé à mon arrivée à Lausanne. C’est une citation extraite du livre « Aventures en Loire : 1.000 kilomètres à pied et en canoë » de Bernard Ollivier à propos des gens qui l’ont accueilli lors de son périple : «  je suis perçu comme un aventurier et mes hôtes, tout naturellement, entrent dans l’aventure. Nous ne nous connaissons pas, nous sommes déjà complices. Je me sens chez eux comme chez moi et ils m’insèrent sans chichis dans leur quotidien… ». C’est exactement ce que j’ai ressenti. Merci pour le partage.

Ce soir nous sommes donc au moins huit pèlerins en route pour Rome ! Une rencontre extraordinaire, cosmopolite, après tous ces jours à se demander si j’en rencontrerais un jour. L’aventure italienne commence bien.

788 kilomètres parcourus depuis chez moi dont 33 aujourd’hui.

Ci-dessous une galerie de photos, d’éventuelles précisions sur des curiosités locales, la navigation vers les étapes suivantes ou précédentes et la possibilité de déposer un commentaire.

 

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