Sur La via de la Plata, de Séville à Santiago de Compostelle
Oseira, mardi 28 septembre.
Le carillon s’est manifesté à partir de 5h45, pas très fort mais bien présent, puis a continué tous les quarts d’heure. Bien réveillé j’ai pensé partir, mais il faisait presque nuit noire. Hier, l’hospitalero au petit air triste m’a dit « Plus que 3 jours ! ». On se croit seul au monde, mais en fait il dit ça à tous les pèlerins, nous sommes de passage, il est dans l’immuable. N’empêche que c’est vrai, dans quatre jours c’est la maison. D’après la télé aujourd’hui il ne pleuvra pas, mais à partir de demain sans doute. Il faut donc me préparer, je vais avoir cette chance, ce plaisir indicible de voir Santiago sous la pluie. De gros nuages stagnent dans le ciel, ma cape est prête, rapidement accessible sur le sac. Je vais prendre mon déjeuner au bar d’hier soir ce sera plus simple.
8h15, dès la sortie du bar le chemin attaque très fort par une petite côte, puis se calme une fois le plateau atteint. Il fait jour et doux. La patronne m’a demandé si je voulais du beurre ou de l’huile sur mon pain grillé, je suis resté prudemment sur mes habitudes alimentaires nordiques, une autre fois peut-être. C’est parti pour une trentaine de kilomètres, vers Bendoiro.
10h40 j’entre dans O Castro de Donzon là où les Espagnols ont dû dormir. A part les 2 à 3 derniers km tout le reste s’est fait sur des petites routes, des petits sentiers à travers la montagne, c’était agréable. Les paysages n’étaient pas très innovants mais au moins il n’y avait personne, c’était paisible, pas de bruit de voiture, quelques fois un chien, quelques fois attaché, quelques fois pas, la routine quoi. J’ai fait à peu près le tiers du chemin.
12h25, faute de bistrot dans les villages précédents je fais une pause dans la campagne, adossé à un châtaigner du côté de Puxallos. Tout à l’heure, à la sortie de la grand route, d’un seul coup j’ai entendu des voix derrière moi. Je ne sais pas d’où sortaient ces gens, peut-être redémarraient-ils après une pause. Il marchaient à peu près à mon rythme juste 100 m derrière et parlaient très fort. C’est ce qui m’a décidé à m’arrêter, qu’ils passent leur Chemin. Je sais bien qu’il est à tout le monde mais j’ai parfois tendance à penser qu’il est à moi, au moins la portion sur laquelle je marche. Ironie du sort ils ne m’ont pas vu et se sont arrêtés 50 m plus loin. Nous sommes séparés par des buissons et je reste zen, je vais supporter leur babillage, en faire abstraction. Pour ce qui est du casse-croûte en fait je n’ai rien à manger, il me reste 4 cookies, on verra plus tard, je vais déjà me reposer un moment.
13h c’est reparti. L’espagnol est une langue très sonore et quand deux personnes discutent on a parfois l’impression qu’ils s’engueulent, mais là ça avait l’air d’être vraiment le cas. Au son des voix il me semble que c’est un couple. Ils sont partis il y a un petit quart d’heure, je leur laisse un peu d’avance pour qu’ils puissent s’exprimer, s’expliquer.
14h je viens de croiser les deux tourtereaux attablés à une table d’une aire de pique nique, ils doivent s’arrêter à peu près toutes les heures. La route monte, descend et remonte évitant l’autoroute et le chantier de ce que je suppose être une future voie de chemin de fer à grande vitesse. Le soleil cogne. Soudain un « Buen camino !» retentit au droit d’un abribus, un pèlerin y fait
une pause casse-croûte, à l’ombre.
14h50 je suis dans l’auberge très moderne de Bendoiro, il n’y a pas un chat.
Un peu plus tard il arrivera trois Espagnols, grands arpenteurs de Camino, qui le soir, au restaurant, m’inviteront à partager leur table. Nous y confronterons nos expériences dans un sabir franco-espagnol très sympathique.
Petit à petit l’idée d’en finir et d’aller demain d’une traite à Santiago à une cinquantaine de kilomètre s’installe dans ma tête.
Pour Anne
Bonjour,
Donc la prochaine fois je me laisserai tenter sans crainte par les croûtons à l’huile.
Pour l’arrivée à Santiago cela ne saurait plus tarder, je traine un peu les pieds, mais tout doit avoir une fin ;o)
Amitié jacquaire
Pierre
Re: De Oseira à Bendoiro : 29 km
Bonjour Pierre,
« …une autre fois peut-être… » : vous avez bien raison de vouloir tenter cette dégustation !
A Campiello, sur le Primitivo, un grand plat de croûtons de pain, bien imbibés d’ huile, nous avait été présenté, pour le petit-déjeuner, aux quatre qui étions là.
Quelques préventions de ma part, me demandant comment pouvoir faire l’ étape, ensuite…
Mais, présenté comme une gâterie par l’ hospitalera, impossible de refuser !
Ce pain s’ est avéré une véritable gourmandise et n’ a pesé en rien dans les dénivelés du sentier de Los Hospitales (une variante).
A goûter !
Bonne arrivée à Santiago, Pierre. Et bonne journée… en attendant.
Anne