De Zamora à Riego del Camino : 33 km

De Zamora à Riego del Camino : 33 km

Sur La via de la Plata, de Séville à Santiago de Compostelle

17e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 414 kilomètres
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Zamora, samedi 18 septembre.
Hier soir il faisait froid et au moment de me coucher je grelottais tout en étant bouillant, j’ai eu peur d’avoir choppé la crève, j’ai pris deux cachets d’aspirine. Ce matin tout à l’air d’être rentré dans l’ordre. J’avais prévu de partir tôt mais je ne me suis réveillé qu’à 6h30. Le temps de discuter avec les uns et les autres, notamment avec trois cyclistes polonais arrivant de Madrid, me voilà seulement en route. Il est déjà 7h45.

Le grand Hollandais, Dirck, m’a dit ne pas avoir une grande expérience de la marche, chez lui il ne pratique qu’une heure de temps à autres ; après ce départ fulgurant de deux étapes de 30 km depuis Salamanque il se sent un peu vanné et commence à avoir des ampoules au talon. Aujourd’hui il va ralentir et ne fera que 18 km, jusqu’à Montamarta. Il a regardé la météo sur Internet, il va faire beau mais pour le moment, pour la première fois depuis Séville, j’ai mis mon gilet coupe-vent. Un indicateur affiche 13°.

Hier aux urgences ils m’ont dit que je n’avais plus besoin des pansements au front et au nez, mais mon chapeau frotte juste au niveau de la blessure et par précaution j’ai préféré me remettre une compresse sur le crâne.

Le CheminLe Chemin

10h25 sur un chemin qui longe la nationale. Je suis adossé à une borne, il n’y a rien d’autre, pas un arbre. Le ciel est dégagé mais un vent assez frais protège de la chaleur. En route j’ai croisé Dirck béatement étalé sur son tapis ; il me confirme qu’il va s’arrêter à la prochaine auberge à cause de ses ampoules. Au loin, un autre pèlerin, peut-être l’Italien qui lui a un problème de genoux.

11h30 mon petit-fils m’appelle. Il me remercie pour la carte que je lui ai envoyée pour son anniversaire qu’il va fêter cet après-midi. Je n’y serai pas. Il ne semble pas m’en vouloir. J’aimerais bien trouver un arbre pour manger mon sandwich à l’ombre.

A Montamarta je quitte un instant le Chemin pour trouver un bar sur la nationale : bière fraîche et air climatisé sont au rendez-vous. A la sortie du village on traverse à pied sec un bras du barrage de juste sous l’ermitage de la Virgen del Castillo dont l’austérité rocheuse se détache sur le vert tendre du fond du lac.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

Le Chemin se poursuit en suivant les rives du bassin de retenue et nous fait faire des détours monstrueux dans l’intention louable d’éviter la nationale. J’ai enlevé mon gilet coupe-vent : nous ne sommes plus en Extramadure, il fait juste bon. En route je suis doublé par les Polonais : nous échangeons des « Buen Camino ! » tout au plaisir de nous retrouver. Plus loin je croise les ruines du château de Castrotorafe puis des ouvriers qui jouent les acrobates dans des pylônes.

Le CheminEn Chemin

15h30 je sors de Fontanillas De Castro. Je m’y suis arrêté un moment sur un banc faute de bar. Je croyais avoir quelque chose dans ma chaussure, mais rien, pas de cailloux, pas de brindille, pas d’ampoule. Chaussure, chaussette et pied semblent nickel. Cependant je ressens une douleur, ça pique, comme une épine qui se serait fichée à l’arrière du pied. Il est temps de reposer la machine.

16h15 je suis devant l’auberge de Riego del camino. Elle est fermée, mais un panneau donne l’adresse où trouver les clés. Pas un chat. A force d’errer dans les rues je rencontre un vieil homme un peu branlant sur sa canne : il ne peut pas me renseigner. Puis quatre jeunes gens, deux garçons à vélo accompagnés par deux jeunes filles : ils connaissent. Ils commencent à m’expliquer, tous parlent en même temps, j’ai un peu de mal à suivre quand une des jeunes filles lance « on va l’emmener ». Tout en discutant nous nous rendons tous ensemble devant une maison ou une autre jeune fille me donne les clés, sa mère passera au refuge dans la soirée. Pour le moment, statistiquement, la moyenne d’âge du village est peu élevée.

Au premier abord l’auberge à l’air sympathique, peut être un peu rustique, mais très spacieuse, avec un petit jardin. Premier arrivé j’ai le choix : il y a deux dortoirs de 8 lits !

Vers 18h un Espagnol sonne : il est juste venu pisser un coup. Il me dit qu’il arrive d’un mariage et qu’il continue jusqu’à Granja de Moreruela, à 6 km. Sans être parano je surveille discrètement au cas où il ne serait là que pour écumer l’auberge. Confiant mais pas forcément naïf.

Ermitage de la Virgen del CastilloBarrage de Ricobayo

Un quart d’heure plus tard, la sonnette me tire à nouveau hors de ma couche : c’est un couple d’Autrichiens. C’est leur premier jour, ils arrivent de Zamora et se sont perdus dans des travaux d’autoroute dont je n’ai aucun souvenir, ils sont épuisés. Demain ils comptent freiner et s’arrêter à Faramontos.

Le soir nous nous retrouvons chez Pépé un bar, « le » bar sur la grand-route. Pas très engageant, on se croirait chez les Thénardier, mais pas d’autre choix possible et aucun commerce ouvert. Le comedor (la salle à manger) se réduit à une seule table installée au milieu des étagères de la réserve… Quand la dame m’a demandé d’où je venais pour simplifier j’ai répondu « Paris » : elle était émerveillée, elle y avait été deux fois et elle m’a sorti tous un tas de vieilles photos écornées en noir et blanc avec des trémolos dans la voix. Paris sera toujours Paris …

Chateau de Castrotorafe

Les Autrichiens sont un peu concentrés sur eux-mêmes, ils répondent aux questions mais n’en posent jamais. Par exemple quand nous sommes entrés dans le bistrot, avant la question concernant ma provenance, la dame s’est tout de suite exclamée « Qu’est-ce qui vous est arrivé ? », les Autrichiens, rien, sans doute une retenue toute germanique. Ils ont fait plusieurs fois le Chemin par petits bouts à pied et en bus, mais aussi de Saint-Jean-Pied-de-Port à Fisterra et une partie du Camino Norte. Ce ne sont pas des débutants….

En repartant on a vu passer des pèlerins espagnols qui tous disaient aller à Granja ; d’après l’Autrichien c’est encore plus nul qu’ici mais en fait ici, pour moi, ce n’est pas nul : il y a de l’eau chaude, certes l’équipement est restreint, même pas de micro-onde, un seul wc pour une vingtaine de places mais en l’occurrence nous ne sommes que trois chacun dans notre dortoir, c’est royal.

Demain à Granja, mon trajet va abandonner la via de la Plata officielle, celle qui rejoint le Camino Frances à Astorga, je vais prendre la direction d’Ourense, emprunter le Camino Sanabrés. J’espère que mon talon va me suivre.

 

 
580 kilomètres parcourus depuis Séville

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