El Cubo de la Tierra del Vino à Zamora : 33 km

El Cubo de la Tierra del Vino à Zamora : 33 km

Sur La via de la Plata, de Séville à Santiago de Compostelle

16e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 447 kilomètres
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El Cubo de la Tierra del Vino, vendredi 17 septembre.
Ce matin, l’hospitalero, beaucoup plus détendu qu’hier après-midi, nous a distribué des petites coquilles Saint-Jacques marquées Cubo del Vino en guise de souvenir. Si j’ai des courbatures dans le haut du corps, suites probables de ma chute, dans l’ensemble tout a l’air d’évoluer normalement même si les lèvres de la blessure au front me semblent trop écartées, cela me donnera un air baroudeur. La pluie de cette nuit a cessé et le ciel reste menaçant, sans une étoile, il fait nuit noire. Dans un champ un groupe de chevaux ; ils ont sans doute passé la nuit là, sans se plaindre, eux. Il fait frais mais c’est supportable, je suis en chemisette. Je me dirige vers Zamora, à 33km.

10h30 je sors d’un bar à Villanueva de Campean où j’ai retrouvé le grand Hollandais parti peu avant moi ce matin. Entre autres équipements indispensables il trimbale un épais matelas mousse, non pas pour le couchage, juste pour s’étendre lors des pauses : confort ou allègement il a choisi. Il regrette qu’il ne fasse pas plus chaud ; c’est vrai que pour le moment le soleil n’est pas au rendez-vous ce qui doit être frustrant quand on vient de si loin pour le rencontrer, même si pour marcher c’est le temps idéal. Au bar la tenancière m’a proposé des « tostados » et pour une fois j’ai accepté : pain grillé, beurre et confiture. Ma fois c’était bon, je me bichonne un peu.

Le CheminEn chemin

Le ciel reste très couvert et lâche quelques ondées de temps à autres. Les pluies de la nuit ont inondé le creux des chemins transformés en mares de boue. Jusqu’à présent j’ai toujours pu les traverser. Est-ce l’idée de glisser et de tomber sur ma main blessée ? cela me stresse, me fatigue. Le paysage est agréable, semblable à celui des jours précédents avec des couleurs ravivées par la pluie récente. Il n’y a toujours pas d’ombre et il n’y en aura pas jusqu’à Zamora.

Le CheminUne borne accueillante

Juste au droit d’une grande balise du Chemin ornée d’inscriptions en écriture arabe, un long troupeau de brebis vient à ma rencontre. En tête le berger et son chien. Nous nous saluons. Puis le flot me dépasse en me contournant avec prudence dans un concert de clochettes. Au moment où le chien qui ferme la marche arrive à mon niveau, mon téléphone portable sonne : c’est Hélène qui m’annonce qu’elle a réussi à remettre en place les volets qu’elle avait entrepris de repeindre pendant mon absence. Étrange mélange des quotidiens.

 

Presque midi, je viens de voir au loin le Hollandais continuer tout droit alors qu’une flèche indiquait de tourner à droite, j’ai crié, sifflé, rien à faire. Il finira bien par s’en apercevoir. Pour une fois ce n’est pas moi qui était distrait. Au loin une grande ville que je suppose être Zamora. A peine ai-je abandonné « 17kg » à son destin qu’il se met à pleuvoir à torrent. Les chemins de plus en plus boueux se transforment en patinoires. En route un énorme monument à trois piliers dédié aux pèlerins où on a oublié de leur prévoir un abri. Par beau temps c’est vrai qu’il est souvent difficile de trouver un coin d’ombre pour faire une pause casse-croûte, mais il reste toujours la ressource de s’asseoir en plein soleil sous son chapeau. Quand il pleut à ce point c’est pire, l’idée de déguster les brugnons achetés la veille assis dans une flaque d’eau ne m’inspire pas du tout.

13h30, la pluie a cessé, je garde ma cape qui me maintient au chaud. Peut-être n’a-t-il pas plu ici, une femme sans même un parapluie me croise en me lançant « Courage il ne reste plus grand chose ».

14h10 je franchis le pont d’entrée dans Zamora qui surplombe majestueusement le Rio Duero. Il n’y a plus qu’à trouver l’auberge.

Plus très loin, ZamoraZamora et El Duero

14h30 ça y est je suis dans ma piaule, pour le moment j’y suis seul. En voyant ma main ils ont ouvert un nouveau dortoir pour que je puisse profiter d’un lit du bas. Alors que j’étais en train de m’inscrire le Hollandais est arrivé soulageant ainsi ma conscience. Zamora est une très belle ville et l’accueil au gîte des plus chaleureux.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

Pas facile de laver puis d’essorer son linge avec une seule main ! J’espère qu’il va quand même sécher dans cette atmosphère humide. Une fois tout propre je me rends aux urgences à l’autre bout de la ville derrière la plaza de torros. Tout va bien, bon pour le service ! Toujours très gentils et prévenants comme d’habitude.

Puis grand tour de ville pleine de monuments intéressants et au nombre incalculable d’églises. Le ciel et les toits sont constellés de cigognes. Il pleuvine par à-coups et je déambule en polaire et en pied-nu pour ne pas mouiller des chaussettes avec ma cape tantôt sur le dos, tantôt sur le bras ; il fait froid, les passants sont en anorak. La visite de la cathédrale est payante, j’y renonce, non pas par radinisme mais je comptais juste y faire un petit tour car je n’ai encore rien mangé. Tant pis, il faut que j’avale quelque chose. Une fois cette seconde urgence satisfaite je retourne à l’auberge où je somnole jusqu’à 19h. Un Italien très solitaire, avec qui je n’arrive pas à établir le contact, partage désormais la chambre. Le groupe d’Espagnols impérialistes que je prenais pour des marcheurs dilettantes est arrivé au refuge. Mais, peut-être ont-ils pris un bus comme beaucoup envisageaient de le faire ce matin pour éviter les chemins submergés.

Un peu plus de 21h, je sors du restaurant. Grande animation en ville : une course cycliste avec enfants et adultes sillonne la ville. J’ai des courbatures dans les deux bras comme si j’avais fait des pompes. Ils ont dû faire un énorme effort réflexe pour tenter d’amortir ma chute. Dans l’église San Cipriano qui jouxte l’auberge un chœur répète, je profite du concert improvisé.

 
Répétition dans l’église de San Cipriano

Je grelotte tout en me sentant bouillant. Est-ce un contre-coup nerveux de mon accident ou le refroidissement brutal de la température ? Aux urgences cet après-midi je leur ai montré la liste des villes traversées sur mon trajet, le prochain centre de santé est à Tabara à 65km. Impossible d’y être demain soir. Je vais essayer de l’atteindre en deux jours, demain je vise Riego del Camino à peu près au milieu. ils m’ont donné de quoi refaire mon pansement demain soir. J’espère que je n’ai pas attrapé la crève.

 

 
547 kilomètres parcourus depuis Séville

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