De Aldeanueva del Camino à Fuenterroble de Salvatierra : 43 km

De Aldeanueva del Camino à Fuenterroble de Salvatierra : 43 km

Sur La via de la Plata, de Séville à Santiago de Compostelle

 

13e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 540 kilomètres
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Aldanueva del camino, mardi 14 septembre.
Je traverse la Plaza Mayor, le village est très joli avec de beaux balcons. Dommage que je ne l’aie pas parcouru de jour, nous étions trop crevés, nous n’avons pas dépassé les alentours de l’auberge qui n’avaient rien de spectaculaire. La prochaine fois il faudra que je sois plus courageux, que je ne me laisse pas envahir par le farniente.

J’ai quitté l’auberge à 5h45. Guy est parti environ une demi-heure plus tôt en me réveillant au passage comme convenu. Je voudrais aller à Fuenterroble de Salvatierra dont l’auberge est décrite comme exceptionnelle. Sur ce trajet il y a beaucoup de montées et même si ce ne sera pas le grand désert avec une ville presque tous les 15 km, partir à la fraîche est toujours un atout. La nuit ne fut pas mauvaise, on s’habitue à tout, il faut dire que j’étais près de la fenêtre grande ouverte ce qui rendait cette odeur d’urine plus supportable. Ce refuge pourrait être valable mais manque cruellement d’entretien. La douche par exemple était froide faute de gaz dans la bouteille du chauffe-eau, ce qui, une fois passé le choc du jet glacé de l’eau sur la peau surchauffée par la marche sous ce soleil torride, n’est pas si grave en cette saison. Par contre, fait rarissime, il y avait une bonde au lavabo ! Nous n’avons pas vu de gardien et du coup c’était gratuit mais on aurait préféré pouvoir payer et avoir le minimum. Aie ! Je n’ai pas pensé à faire tamponner ma crédentiale au restaurant hier soir ; tant pis je la remplirai à la main.

Aldanueva del Camino la nuitBaños de Montemayor

La marche nocturne va durer à peu près 1h30, pour le moment je traverse la ville donc pas de problème. Il semblerait que l’itinéraire soit sur route avec donc moins de risque de s’égarer dans l’obscurité. La sortie du village est marquée par une nouvelle borne milliaire, c’est devenu d’un banal… Ça empeste encore la pisse, j’espère que ce n’est pas moi, que je ne suis pas imprégné de cette odeur !

Seulement deux voitures depuis que je suis parti il y a une demi-heure, ce n’est pas trop stressant, il fait assez lumineux et la ligne blanche du bord de la route me sert de guide, je n’allume ma lampe qu’à l’approche des voitures signalées de loin par leurs phares. La montagne se découpe sur le ciel étoilé.

La voie romaine à la sortie de Baños de Montemayor vers le col de BejarLa via de la Plata sous un pont autoroutier

8h10 je quitte Bañoz de Montemayor où je suis arrivé vers 7h30. Dans un bar j’ai retrouvé Guy. Ils n’avaient pas encore de pain, je me suis contenté d’un café pendant que Guy est parti tenter sa chance ailleurs en me lançant « Je t’attends plus loin ». Mais plus loin je n’ai vu aucun autre bistrot, il a dû continuer, je l’espère pour lui car il s’était plaint d’avoir mal à une jambe et craignait d’avoir une fracture de fatigue… Pourtant il n’est pas très chargé, son sac de 40l de type ultra-léger pèse 6,6 kg et il a une poche à eau de 3l. C’est vrai que le mien de 50l n’est pas très plein. Désormais il fait jour et ça monte. J’ai profité de l’arrêt pour faire tamponner ma crédentiale, histoire de remplir une case.

8h40 me voilà au sommet du col de Bejar, 1110 m, on quitte l’Extramadure pour entrer dans la Castille et Léon, région de Salamanque. Je ne sais pas si c’est l’effet du café ou de l’air frais mais la montée n’a pas été trop pénible. On nous annonce qu’il va faire encore plus chaud qu’hier. Il paraît qu’à Paris il ne fait pas beau.

Les bornes de la province de SalamanquePont romain avant La Calzada de Bejar

Les bornes à carreaux de couleur qui balisaient la Via de la Plata ont été remplacées par des blocs en béton gravés avec un grand V encadrant une fleur. Quelques fontaines pour les pèlerins jalonnent le parcours. En 10 km on a vraiment changé de style. On pourrait se croire en France, il y a des châtaigniers, des noisetiers, des chênes, je viens même d’éternuer de froid !

9h36 après une descente abrupte me voilà sur un pont romain, un endroit bucolique dont je profite car tout de suite après cela remonte et c’est à nouveau la sécheresse dans des paysages similaires à ceux des jours précédents.

Paysages avant La Calzada de BejarBorne et fléche avant La Calzada de Bejar

10h45 j’entre dans la Calzada de Bejar en haut d’une côte assez raide. Un bar et un sandwich seraient les bienvenus.

11h08 je repars, déçu, le bar était fermé. Devant l’église, sous un porche, je retrouve Guy, assis. Sa jambe est un peu enflée. Il hésite entre s’arrêter au refuge du village ou prendre un taxi pour aller plus loin, il faudrait qu’il se repose, qu’il se répare. « Buen Camino », nous nous séparons. D’après Guy il ne faut jamais dire « au revoir » sur le Chemin car il est imprévisible.

12h50, Valverde de Valdecasa où j’ai cru ne jamais arriver, je le voyais au loin, puis il disparaissait derrière un repli de terrain me laissant croire que je l’avais dépassé, mais non, le voilà. Ce n’est pas que je tienne absolument à visiter ce village mais j’espère avoir plus de chance et y trouver un bar ouvert. En route le chemin est agréable mais sans ombre et la chaleur est bien de retour.

Arrivée à La Calzada de BejarAridité du Chemin

14h05 je repars, il y avait bien un bar mais, caramba encore raté, on est mardi, son jour de fermeture. Si c’est comme ça dans toute la région ça va être une vraie traversée du désert. C’était un bar « spécial pèlerins » donc je me suis permis de m’installer à l’ombre dans la cour et j’ai attaqué un bout de chorizo, en fait immangeable, farci de morceaux trop durs pour être mâchés. J’ai pu faire le plein d’eau et j’en ai profité pour tremper mon chapeau, ça fait du bien. Le prochain village est à 4 km, une nouvelle chance pour une bonne pioche. Il commence vraiment à faire très très chaud je serais bien resté à l’ombre.

15h10 je sors du bar El Hogar à Valdecasa où je viens d’engloutir deux petites bières sans alcool. Comme dans tous les bars espagnols il y avait la télé, on y parlait fort dans une atmosphère enfumée mais c’était divin, frais. Je repars requinqué vers Fuenterroble à environ 8 km, encore 2 heures de fournaise, à moins que je ne trouve un coin ombragé pour faire une pause. A la terrasse du bistrot j’ai retrouvé un groupe de 6 cavaliers qui m’avaient dépassé, nous nous étions salués et nous nous sommes reconnus. Il y avait aussi des touristes croisés à l’auberge du barrage d’Alcantara, mais eux sont en voiture : j’avance drôlement vite.

Borne milliaireBorne et cavaliers

15h45 une voiture s’arrête à côté de moi. André Weill en descend. Il repère le Chemin en sens inverse pour préparer une marche Santiago-Cordoba qui aura lieu mi-octobre. Pris à rebours le balisage conçu pour se diriger vers Santiago présente des pièges qu’il préfère identifier avant de lancer l’expédition. Il m’expose le projet et me propose d’y participer. Le principe d’une réunion symbolique des mondes chrétien et musulman est séduisant mais à l’issue de mon périple j’aurais probablement ma dose de kilomètres et puis il faut reconnaître que les marches en groupe ne sont pas vraiment ma tasse de thé. Une autre fois peut-être.

16h50 j’entre dans Fuenterroble. Le chemin était assez agréable, parallèle à la route, souvent à l’ombre, malheureusement recouvert d’une épaisse couche de gravillon pénible à la marche. A l’auberge je suis accueilli par Anet une américaine du New Jersey, très sympathique. Elle vient de faire la Via de la Plata en partant de Merida et elle avait postulé pour cette place d’hospitalière. Ensuite elle fera un grand tour en Europe, Italie, Sud de la France… Le guide annonçait un gîte quatre étoiles, c’est justifié. Dans le dortoir nous sommes 16. C’est très cosmopolite, un Irlandais de Dublin, un couple d’Allemands, un Suisse français, un Canadien français… et même des Français. Après tous ces jours où nous étions au maximum 4 ou 5 je me demande d’où sortent tous ces pèlerins. Peut-être qu’ils commencent là, tout en douceur avant d’affronter la rudesse du Chemin. A moins que je ne sois tombé dans une vague qu’il va falloir décrocher.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

Anet m’avait proposé de me joindre à ceux qui font leur popote, sinon il y avait bien sûr des restaurants en ville. Cela aurait pu être l’occasion de faire plus ample connaissance avec tous ces nouveaux compagnons mais l’idée de faire des courses, puis la cuisine, puis la vaisselle… j’ai opté pour la facilité… ou alors je deviens de plus en plus ours. Les personnes interrogées sur la qualité des restaurants m’ont toutes indiqué le même en m’affirmant qu’il était « very nice », c’est vrai, c’était bien même si « very nice » semble un peu exagéré.

Demain petit-déjeuner à partir de 7h. J’ai hésité, partir plus tôt serait sans doute plus raisonnable mais après l’auberge d’hier je vais me laisser un petit peu cocooner. Profitons du moment.

 

 
463 kilomètres parcourus depuis Séville

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