Séville, jeudi 2 septembre
Premier jour de marche : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 960 kilomètres
J’ai quitté l’auberge « Triana Backpackers » un peu avant 8h, l’éclairage urbain venait juste de s’éteindre et le soleil encore très bas diffusait dans le ciel une lueur grise, fausse promesse d’un temps couvert, d’un peu de fraîcheur. Hier en arrivant à l’aéroport, vers midi, il faisait 33°, une heure après, au centre ville, il s’affichait 36°. Je n’avais qu’une hâte, rejoindre l’auberge pour y troquer pantalon et chemise à manches longues pour une tenue plus légère. J’avais voulu de la chaleur, je n’allais pas être déçu.
Dans l’avion j’étais à côté d’un jeune couple, apparemment très amoureux, digne représentant de 80% des passagers, tous équipés de leur téléphone portable dernier cri. Voyage impeccable. Descente sur Séville accompagnée par un rapace qui semblait survoler à reculons une plaine à dominante ocre. Atterrissage pile à l’heure. Récupération de mon sac à dos, entier. C’était mon angoisse. Il faut bien s’en trouver une. J’avais longtemps hésité, consulté des forums, pris conseil notamment auprès de Christian mon compagnon Canadien sur le Camino Norte pour qui, rassembler et attacher les bretelles pour éviter qu’elles s’accrochent lors des manutentions vers ou hors de la soute à bagages, suffisait amplement. Prudent, j’avais opté pour l’enfournement dans un solide sac à gravas. Sur le tapis roulant, dans la famille sac à dos, il y avait de tout, ceux fidèles aux préceptes de Christian, ceux momifiés par des bandes plastiques, d’autres nichés dans leur housse anti-pluie et enfin les sacs zen, tels quels, bretelles et lanières aux vents. Tous sains et saufs !J’avais déjà eu l’occasion d’arpenter Séville en différentes saisons et je décidai de visiter le palais de l’Alcazar que je ne connaissais pas, ses jardins, ses bassins, ses patios portant l’espérance d’une provision de fraîcheur en vue des jours à venir. Puis je m’installai pour une collation dans une sorte de guinguette sur les bords du Guadalquivir à l’ombre d’un oranger dont deux fruits vinrent s’écraser lourdement à mes côtés avec bruit impressionnant ; l’exotisme n’est pas sans danger. Depuis le quai, en contre-bas, les rires sonores et les blagues incompréhensibles de pêcheurs montaient vers moi. Calme et volupté.Le soir, vers 21h, la chaleur dans le dortoir où j’étais revenu faire une courte pause était devenue insupportable, je choisis de revenir manger sur les bords de l’eau toute proche dans l’espoir d’une température plus clémente. Les pêcheurs rangeaient leur matériel et quittaient les quais en bandes joyeuses, des canoës montaient et descendaient le courant et … les touristes avaient envahi les berges provoquant multiplication et surenchère des restaurants ; je finis quand même par trouver à un prix abordable une énorme paella dont je dus laisser la moitié. Au retour la traversée de chaque ruelle parallèle au fleuve s’accompagnait d’une hausse de quelques degrés jusqu’à atteindre la fournaise du départ.
Dans mon dortoir, 5 places sur 6 étaient occupées et j’avais la chance de n’avoir personne au dessus de moi ce qui est toujours plus commode pour étaler ses affaires. L’auberge, agréable, était quasiment pleine, beaucoup de jeunes gens, surtout des cyclistes. Comme toujours dans ce genre d’établissement, et à fortiori en Espagne, les allées et venues ne cessèrent que peu avant minuit et ceci uniquement parce que « le vieux con » qui tentait de sommeiller en moi avait fini par se manifester, avec courtoisie mais fermement, dans un anglais mâtiné d’espagnol approximatifs. Tous s’excusèrent très gentiment, ils ne s’étaient pas rendu compte. C’est vrai que pour un Espagnol il était un peu tôt pour penser dormir ; ils me laissèrent le champ libre et sortirent profiter de l’air plus frais qui commençait à descendre sur la ville alors que dans la chambre la température continuait à monter inexorablement malgré la fenêtre grande ouverte sur une rue animée.Ce matin j’ai partagé mon petit-déjeuner, un tantinet sommaire, avec un Français de Lyon d’à peu près mon âge, Bernard, ayant déjà fait un Chemin jusqu’à Santiago. Nous avons sympathisé mais je me suis arrangé pour filer avant lui, j’ai envie de commencer ce voyage seul. Peut-être nous retrouverons-nous plus loin.
Au réveil mon talon droit avait doublé de volume, pas franchement douloureux mais impressionnant. Heureusement quelques instants plus tard il allait mieux, et, actuellement je ne le sens plus. Ce n’est pas une surprise, je traîne ce petit souci depuis plusieurs semaines, les premiers pas sont parfois sensibles, mais le problème se dissipe habituellement avec la marche. Pour compléter le tableau clinique j’ai aussi une espèce de tendinite dans une épaule, la gauche, pour équilibrer, qui heureusement ne me torture que dans les mouvements acrobatiques du genre « essayer de se gratter dans le dos ». Tout cela reste donc vivable, enfin, je m’en suis convaincu avant d’entreprendre ce voyage. Dernière interrogation : mon sac à dos. Compte-tenu de ces petits tracas persistants et suite à la découverte de la marche ultra-légère (MUL) grâce à un commentaire sur mon blog, j’ai décidé de m’alléger au maximum. La semaine dernière j’ai acheté un nouveau sac à dos, 50 litres, 1,1 kg, pratiquement la moitié du poids du précédent. C’est vrai que je suis moins chargé, mais c’est vrai aussi qu’il est moins confortable et qu’on ne se connaît pas encore très bien, j’espère que nous allons faire bon ménage.L’auberge est pratiquement sur le Chemin et rapidement me voilà sorti de la ville. Je longe d’abord ce qui semble être un boulevard circulaire et bientôt tout est pelé autour de moi. On suit ensuite le Guadalquivir par un large chemin piétonnier. Il y a quelques bosquets et des chevaux qui pâturent. Tout d’un coup, sur le bord du sentier, un harmonica. Il a l’air en bon état, 20 cm environ, une belle pièce. Je suis tenté, je le ramasse pour l’emmener en souvenir puis le repose une centaine de mètres plus loin : outre les problèmes d’hygiène ce n’était pas la peine de réduire mon paquetage pour commencer à remplir mon sac dès les premiers kilomètres, en plus je ne sais même pas en jouer, cela frise l’avidité. Peut-être qu’il fera le bonheur d’un pèlerin harmoniciste. Cela m’a donné de l’entrain, non pas que j’en manque mais ces abords de grande ville ressemblent ici et là à une décharge à ciel ouvert et ce bel objet leur redonne de l’éclat ; en plus, avoir résisté à cette tentation m’a libéré. Il ne faut pas y voir là une sensation mystique ou quoi que ce soit de ce genre, mais avec ce petit geste j’entre de plein pied sur le Chemin, en laissant l’harmonica j’ai abandonné d’autres choses, indéfinissables, mais je sens qu’elles ne sont plus là. Ça y est, je suis vraiment parti, les amarres sont lâchées, comme quand, après plusieurs pages flottantes, on entre enfin entièrement dans un livre. Il n’est pas 9h et on ne peut pas dire qu’il fasse vraiment chaud mais une légère transpiration commence à me recouvrir.Une heure après me voici dans l’ancienne ville romaine d’Italica, à la sortie de Santiponce où un consommateur ayant toutes les allures d’un pèlerin se reposait à la terrasse d’un café ; mais j’ai passé mon chemin ; si l’année dernière je voulais à tout prix en rencontrer, cette année, au moins pour le moment, sans les fuir je préfère être seul. En route au niveau d’un grand pont routier j’avais continué sur mon élan à suivre le fleuve quand des pêcheurs m’avaient interpellé et remis dans la bonne direction. Se tromper est souvent l’occasion de constater la gentillesse des gens. Délesté de mon sac à dos resté à l’accueil du site je parcours tranquillement les grandes allées ombragées et paisibles de ce vaste champ de ruines où seuls les vestiges d’un grand amphithéâtre sont encore debout. Autrefois ici il y avait de la vie, de l’animation et maintenant j’y suis pratiquement seul, les lieux évoquent plus le calme d’un vaste et beau cimetière ensoleillé. J’y reprends des forces et de l’eau.C’est aux environs de 13h que j’atteins Guillena. Il fait très chaud et le soleil cogne. Il était temps que j’arrive car je suis un peu fatigué. J’y entre en même temps qu’un groupe de trois pèlerins que j’ai suivis de loin pendant un bon moment, un couple d’un certain âge et une jeune femme qu’ils accompagnent jusqu’aux abords de l’auberge avant de faire demi-tour vers le centre ville sans doute vers un hébergement plus cossu. En route le chemin était pratiquement rectiligne, légèrement vallonné, au milieu des champs moissonnés, desséchés, aridité toute saisonnière comme le laissaient penser des signalisations mettant en garde contre les crues de ruisseaux. Deux cyclistes m’ont croisé, au loin, devant moi, à environ un kilomètre (distance estimée par le chronométrage de notre passage respectif devant une citerne) le trio cité plus haut, et, derrière moi, à peu près à la même distance, un autre marcheur. Sinon rien, personne.Ce matin Bernard m’avait confié son intention de s’arrêter ici, il voulait démarrer prudemment, je lui avais répondu que je me déciderais sur place en fonction de ma fatigue et de la chaleur, mais cette décision je l’avais en fait déjà prise : la chaleur est là, je ne suis pas à vraiment parler très frais mais je vais continuer après une pause, je me sens prêt à ajouter les 19 km qui me séparent de la prochaine auberge, à Castilblanco de los Arroyos, aux 22 déjà parcourus.
J’ai entamé le pèlerinage de la via de la plata ce 20 août 2022 et ma première étape a été Guillena le 21/08 où je suis arrivée vivante mais bien fatiguée. En effet, il y a si peu d’ombre et la chaleur y est très vive. Il faisait 41 à Séville et 36 à Guillena.
Mon mari m’a dit (de la maison): si tu as résisté à cette première étape, c’est bon pour la suite !
Via de la Plata
Bonjour Pierre,
Je lis avec plaisir votre première étape sur la Via de la Plata, et je constate que vous êtes parti de Séville le 2 septembre !!! Intéressant car je prend le chemin depuis Séville en septembre prochain et nous arrivons par avion le 2 septembre donc départ le 4 certainement.
Nous avons choisi ce mois (mon beau frère et moi même) même si nous pensions bien qu’il ferait assez chaud. Votre expérience et votre blog vont nous être bien utile, merci.
(nous avons fait le chemin Le Puy/ Santiago il y a deux ans à la même période)
Je piaffe d’impatience !!!
Amitiés
Jean Paul
Pour DESLUX néné
Bonjour,
A ma connaissance il n’existe pas de Miam Miam Dodo pour la via de la Plata.
Vous trouverez la liste des auberges pour pélérins sur le site de l’association jacquaire de la via de la Plata ici : http://www.viaplata.org/
Buen Camino !
Pierre
Re: De Séville à Guillena : 23 km
bonjour pierre
après avoir fait le camino francès cette année je voudrais faire la via de la plata..existe t il un miam miam dodo pour ce chemin?y a t il beaucoup d’albergues ?
merci
Pour Stela
Merci !
Bonne suite de lecture.
Genial
Bonjour Pierre, Je tiens a vous remercier de m’avoie envoyé cette expérience. La manière que vous la raconte est Génial. Agréable lecture. Bravo!
RE : Beau challenge
Bonjour Colette,
Merci pour ton enthousiasme. Mais pour le sac, 1,1 kg c’est le poids du sac VIDE ! Ce serait effectivement très spartiate, je n’en suis pas là du tout. Il faudrait que je refasse le point là-dessus mais disons qu’avec l’eau il devait faire dans les 10 kg en charge.
Amitiés
Pierre
Beau challenge
Bonjour Pierre,
Quelles magnifiques photos;voilà qui donne envie d’autant que mon mari et moi ne connaissons de l’Espagne que les régions de Madrid et Barcelone.Maintenant, le faire à pied…..hum,un pas bien difficile à franchir!
Je ne sais ce que j’admire le plus, les kilomètres avalés en solitaire ou le fait de se contenter d’un sac de 1,1Kg.Cultiver l’épure et le détachement quel challenge à notre époque.Bravo.
Amitiés
Colette
Pour Auxilion
Bonjour René
Merci de suivre mes aventures depuis votre chaise longue ;o)
C’est vrai qu’il faudra se voir.
Bises à tous deux
Re: De Séville à Guillena : 23 km
bravo pour le courage et merci pour les images ou est t’il le temps ou l’on pouvais marcher si longtemps
maintenant sieste et chaise longue il est vrai que on arrive à 90 berges et qu’il faut se réjouir de ce que l’on a vu
bises à tous deux à quand
Pour Stephane
Merci pour vos vœux, recevez les miens en échanges.
Amitiés et dites bonjour au Mercantour que j’ai parcouru à une époque.
voeux
nous vous souhaitons tous nos voeux de bonheur et de santé et beaucoup de marche pour 2012
pour notre part nous partons vers le mercantour cet été
stef
Pour Les Minous
Bonjour à vous et tous mes voeux pour cette nouvelle année !
A bientôt.
Re: De Séville à Guillena sur la Via de la Plata
Merci Pierre pour ce rayon de soleil, et pour ce petit
voyage. On attend la suite…
mais en attendant excellente année 2012 à toute la famille
Pour Télesphore
Tous mes vœux également, pour cette nouvelle année et pour ce prochain Camino.
Pour Anne-Marie
Merci pour vos voeux, je vous transmets les miens.
camino
une bonne et heureuse année Pierre surtout de la santé.Il ya de grande chance que je m`offre le camino la plata au début mai .Merci tu est excellent guide.
merci
Tous mes voeux pour cette nouvelle année et merci de nous faire participer pour vos voyages sur les caminos
ETASSE ANNE MARIE
Pour Annick
Tous mes voeux !
Bien sûr que cette voie et un véritable Chemin de Saint-Jacques, c’est celui (ou un de ceux) des gens du sud de l’Espagne. Il y en a un aussi au Portugal. De même que tous les chemins mènent à Rome, beaucoup mènent à Santiago.
Re: De Séville à Guillena sur la Via de la Plata
Meilleurs voeux Pierre et merci pour ces magnifiques récits qui nous mettent l’eau à la bouche .Cette voie est-ellle un véritable chemin de Saint-Jacques? Cela me tente tellement. Je ne sais ce que 2012 me réserve, mais l’envie de repartir est si forte! en attendant ce départ, j’irai vous lire avec tant de bonheur.
Bonne Année pour vous et les vôtres
Annick
Pour Francis
Très content d’avoir de tes nouvelles. Tu sais c’est comme dans la chanson « Dans la troupe … il y a que des nouilles mais ça ne ce voit pas … la meilleure façon de marcher … »
Amitiés à toi et tous les tiens
Re: De Séville à Guillena sur la Via de la Plata
Salut Pierre,
Bonne année 2012 à toi et à tous les tiens.
A voir tout ce que tu as parcouru, j’ai envie de te surnommer le « mille pattes »…
En toute amitié.
A+
Francis.
Pour Bernard
Dommage, j’aurais eu besoin d’un bon photographe …
RE : hésitation
Bonjour,
J’espère que vous résoudrez ce dilemme. Sinon il suffira de les faire les uns après les autres.
Bonne année !
Re: De Séville à Guillena sur la Via de la Plata
Salut Pierre et bonne année.
Décidément, 22 + 19… je ne marche pas pour aller avec toi 🙂
hesitation
Bonne année !
que de plaisir à vous lire et voir vos photos.
l’an dernier j’ai fait une partie du camino del norte de Santander à Gijon puis est pris le camino primitivo (dur dur ) jusqu’a Santiago.
cette année j’hesite entre le camino del norte ,Irun santander Giron santiago ou la via de la plata
j’ai six mois d’attente pour choisir
buen camino
Pour François
Tous mes vœux également et merci d’avoir patienté si longtemps.
meilleurs voeux
salut Pierre ,tu nous feras toujours rêver par tes superbes commentaires,ça me donne envie de repartir ,à bientôt de te relire.
très bonne année 2012 et encore de belles randonnées.
Pour Michèle
Vous voilà la première lectrice (ou tout au moins la première qui se manifeste) de ce nouveau récit. C’est moi qui vous remercie pour cette fidélité.
Bonne année 2012 et tous mes vœux pour la réalisation de vos projets.
merci
C’est toujours avec un réel plaisir que nous parlons de vous avec François GAUTHIER, que nous parlons du Chemin, de nos expériences. La Via de la Plata est un de mes projets. J’espère qu’il se réalisera très prochainement.
Très bonne année 2012
Michèle