Vers Sobrado de los Monxes sur le Camino del Norte – Mes Chemins de Compostelle

Mardi 13 octobre,
56e étape : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 60 kilomètres

Sobrado de los Monxes
De Miraz  à Sobrado de los Monxes

Je quitte le refuge très sympathique de Miraz. Il n’est pas tout à fait 8h30, le jour se lève, le ciel est bleu et nuageux, il fait un peu frais mais c’est très supportable. Je suis bon dernier pour avoir discuté un long moment avec Alice, une hospitalière anglaise, qui parle très bien le français ; elle prépare un guide sur le sur la voie du Puy qu’elle a parcourue cet été avant de venir prendre son tour d’une semaine ici.

Ce matin je me suis encore réveillé vers 7h15, plus ça va, plus je me réveille tard, en fait inconsciemment je m’adapte car ce n’est pas la peine de prendre la route avant que le jour se lève. Avant de partir, mes cors ne me faisant plus souffrir, j’ai enlevé les pansements qui créaient une sur-épaisseur désagréable dans des chaussures déjà trop étroites. Cette fois j’étais bien, mes pieds, à l’aise, étaient prêts à repartir. En me dirigeant vers la sortie j’ai remarqué Margot et d’autres pèlerins qui riaient en me regardant. « Tu ne te serais pas trompé de chaussures ? » m’a dit Bastian en me tendant une paire exactement semblable à celle que j’avais aux pieds mais dont les semelles accusaient un certain kilométrage. Il s’était escrimé un long moment à essayer de les enfiler, se demandant si ses pieds avaient enflé ou quoi, avant de m’apercevoir en train de piétiner avec béatitude dans des chaussures semblables à celles qui lui étaient rebelles. Hier soir, arrivé juste après moi, il avait déposé sur le râtelier ses chaussures à la suite des autres et ce matin j’avais repris sans aucune hésitation la paire en bout de file. On m’a charrié « Oui, tu as essayé d’en récupérer des moins usées ! ». C’est vrai que les siennes sont un peu plus larges, sans doute une demi-taille de plus, et qu’elles auraient bien fait mon affaire. Je me suis senti un peu bête, moi qui ai fustigé ces pèlerins qui partent avec des chaussures qui ne leur appartiennent pas : « Comment peut-on se tromper à ce point ? » … Cela se confirme, « ça n’arrive pas qu’aux autres ». Heureusement que je n’ai pas démarré aux aurores, Bastian aurait été coincé.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

9h, le soleil est bien levé, les couleurs du levant éclairent paysage, bruyères, pinèdes, d’une lumière chaude, dans le fond des éoliennes tournent lentement sous l’effet d’un vent qui ne descend pas jusqu’à moi. Pour arriver à Sobrado il faut monter d’environ 300 m et Robert doit pousser son vélo. Cela doit être un peu galère d’avancer ainsi, le corps déporté au dessus du cadre, mais comme il dit, toujours avec un grand sourire, « dans les descentes je me rattrape ». Je ne sais pas si c’est la sagesse qui me gagne ou simplement la fatigue accumulée mais je n’ai absolument pas envie de forcer, ça ne veut pas dire que je me traîne, je vais simplement à mon rythme.
En route je rejoins Margot et Jacques qui souffre toujours d’une tendinite au talon. Ils prévoient d’aller jusqu’à Arzua où ils prendront le bus pour Saint-Jacques, il y a bien sûr cette lassitude que nous partageons mais Jacques ne pense pas avoir quoi que ce soit à expier et l’acharnement thérapeutique ne fait pas partie de sa philosophie, de toute façon, comme moi, ils ont déjà parcouru ce tronçon. Je les comprends.

13h, je reprends la route après une pause dans un petit champ sur le bord de la route à l’ombre d’un vieil eucalyptus peu après Vilariño où il y avait un bar dont mes compagnons ont sans doute profité car je n’ai vu passer personne. Pour ma part j’ai ressorti mon sandwich épargné hier soir. Encore très bon, il était très copieux, le jambon et le fromage servant de support au pain, hier le patron a été très généreux. Il fait toujours très beau mais avec un petit vent frais et si pour la marche c’est parfait, à l’ombre c’était un peu juste. Avant la pause j’avais une pêche d’enfer, la grande forme, même si après 4h de marche je commençais à ressentir le besoin de m’arrêter. Désormais il ne reste que 5 km, pas besoin de foncer, je vais lentement, profitant du soleil.

Peu avant Sobrado, sur les bords d’un joli petit lac je retrouve Robert qui savoure la quiétude de l’endroit et de l’instant, puis bientôt ce sont les impressionnantes tours du monastère. L’auberge est à l’intérieur mais n’ouvre qu’à 16h30. Bientôt rejoint par Margot et Jacques, nous patientons autour d’une, puis deux bières, dans un café, il fait un temps magnifique, estival. Dans quelques jours je reviendrai ici avec Hélène pour lui faire partager cette découverte : ce sera sous une pluie torrentielle.

Le moine qui nous accueille est sinistre et grincheux, d’après Robert « c’est parce qu’il n’a pas de femme », c’est un raccourci, c’est l’avantage de ne pas maîtriser une langue, on exprime l’essentiel de sa pensée, on va droit au but. Pendant que nous attendions l’ouverture nous avions vu arriver un groupe avec mini-bus et camping-car suiveurs. Ce sont des Français, il font 300 km tous les ans sur le Chemin, et ils s’en croient les rois, surtout que cette année ils vont enfin toucher au but. Bien qu’arrivés après nous, ils envahissent d’autorité, avec tapage, le dortoir du bas ce qui nous permet de nous répartir dans le dortoir du haut, hors des hordes.

En tant que pèlerins nous avons accès à toute l’église et au cloître ; cela suinte l’humidité, c’est vraiment spécial, immense, décadent, grandiose. Il s’en dégage une sorte de magie, de mystère, on ne serait pas étonné de tomber sur une messe noire.

L’auberge dispose d’une grande cuisine-salle-à-manger et Margot insiste pour que nous y mangions ensemble. Nous partons donc faire des courses. La supérette ne propose pas de pain et nous aiguille vers une boulangerie ; on a l’impression d’entrer chez un particulier, il faut même sonner pour accéder à la boutique, après de nombreux voyages en Espagne et ce dernier mois à la parcourir je reste encore surpris par ce mode de vie à la fois si proche et si différent du nôtre. Margot a pris en charge la préparation du repas : pâtes avec crevettes, chorizo en entrée et raisin en dessert. Très simple, délicieux, mais surtout très sympa. Pendant le repas je vois réapparaître Cleria dont le compagnon de route s’est arrêté à Ribadeo, elle est un peu tristounette mais apparemment cela n’a l’a pas empêchée d’avancer. Le cercle s’élargit vite à Robert, Bastian et Kristine dont un genou est gonflé, sans doute un épanchement de synovie, elle a déjà eu ce problème et le traite par le mépris, elle n’a pas l’intention de freiner, demain elle compte faire étape à Santa Irene, à un peu moins de 40km, cela ne nous paraît pas très prudent mais après tout elle est grande. Nous discutons du Chemin, de l’arrivée proche, de l’après Chemin, nous sommes bien, tout à coup un des Français se force à coup d’épaule un passage à travers notre petit groupe, sans un mot d’excuse ; c’est vrai que tout à notre discussion et au plaisir d’être ensemble nous encombrons un peu l’espace; quelques instants plus tard je le vois revenir, « Attention, retour du bulldozer » dis-je à mes compagnons pour qu’ils s’écartent, « Je pense que vous le faites exprès ! » bougonne-t-il ; cela se confirme, 300 km ne sont en général pas suffisant pour ressentir les bienfaits du Chemin. Mais il ne nous a pas troublés pour autant, nous reprenons nos échanges, nous l’avons déjà oublié, « le chien aboie… ».

Une bien belle journée. C’est bientôt la fin du voyage, le programme pourrait être demain 14, Arzua, puis Monte de Gozo le 15 pour arriver le 16 au matin à la cathédrale comme je le souhaitais. Ça y est, j’y suis. En attendant, dehors, des étoiles brillent dans le ciel au-dessus des pignons du cloître et des clochers qui se découpent en ombre chinoise. Tout est paisible.

1738 kilomètres parcourus depuis Auffargis

 

4 réflexions au sujet de “Vers Sobrado de los Monxes sur le Camino del Norte – Mes Chemins de Compostelle”

  1. Re: Sobrado de los Monxes
    sur le chemin il y a beaucoup  » hurluberlu  » j’en ai rencontré entre ceux qui accélèrent pour pas qu’on les doubles ,ceux qui arrive en pays conquis dans les gites.Ceux qui crois que le chemin leurs appartient .
    C’est le chemin …… sa fait son charme.
    D’ailleurs pour ceux qui ne l’ont pas vue il y a le film saint Jaques la … la Mecque de Colline Serrau qui résume bien l’esprit que certains se font du chemin .
    Malgré tout c’est une super expérience .
    Plus que 60 à faire !!!! à bientôt Pierre
    Jocelyn.

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