Vers Luarca (La Almuña) sur le Camino del Norte – Mon Chemin de Compostelle

Mercredi 7 octobre,
49e étape : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 290 kilomètres

Luarca (La Almuña)
De Soto de Luiña à Luarca

J’attaque ma 8ème semaine. Ce matin à 7h30 quand j’ai quitté l’auberge pour aller déjeuner dans le café en face il pleuvait. J’y ai retrouvé les quatre Françaises, trois bretonnes et une lyonnaise qui font le Chemin par petites étapes. Je ne sais pas où j’ai été chercher cette histoire de vélo ! Par la fenêtre j’ai aperçu Kristine qui partait sous la pluie.

Comme annoncé la route est uniquement fréquentée par quelques voitures qui circulent entre les villages mais je reste vigilant, circulation sur le côté gauche et lampe frontale non pas qu’il fasse vraiment sombre mais pour me signaler aux voitures, peut-être faudrait-il prévoir des bandes réfléchissantes sur les capes. Vers 9h la pluie cesse. La mer au loin est gris argenté sur un ciel bleu, bleu-nuage. Il fait très doux, je suis en chemisette. Tous mes vêtements restent humides, ça devient un problème. Hier soir je n’ai rien lavé, c’était inutile rien n’aurait séché. J’espère que je ne pue pas, ou pas trop.

Hier, Martin est arrivé au refuge dans la soirée. Au début de notre côtoiement, vers Güemes, il fonçait comme un fou et là, plus les jours avancent plus il a l’air épuisé. Par contre l’équipe de Cleira se soude de plus en plus, ils sont toujours ensemble, ils ont l’air en forme et elle qui était si sauvage se sociabilise chaque jour un peu plus. Aujourd’hui j’ai prévu de faire les deux prochaines étapes proposées par le guide en une seule fois, 39 km. Ce n’est pas la distance qui m’effraie mais le gîte est très isolé et du coup il faudra apporter sa nourriture ; je n’aime pas ça à cause du poids bien sûr mais c’est aussi la promesse d’un repas bâclé et d’une soirée terne. Mon guide prévoit encore 12 jours pour arriver à Santiago. En gagnant 2 jours je pourrais y être pour mon anniversaire ! Aujourd’hui c’est l’occasion d’en gagner un. Par la suite ce sera plus difficile à moins de faire des étapes monstrueuses. Cette idée me stimule. Toute modestie mise à part, j’ai acquis la réputation d’aller vite et loin ; hier soir Martin, Cleira et son équipier, tous en âge d’être mes enfants, se sont récriés quand j’ai annoncé que j’envisageais de m’arrêter à Cadavedo, à 24 km : « c’est beaucoup trop court pour toi !» Bon, ça fait plaisir et c’est encourageant mais il ne faut pas que je laisse démesurément gonfler mes chevilles c’est mauvais pour la marche !

Vers 10h pause dans un bar où je retrouve Kristine. « Ce matin, pfittt…, tu es parti sans un mot !». Je lui explique que j’étais seulement aller prendre mon petit-déjeuner dans le bar d’en face pendant qu’elle préparait le sien à l’auberge. J’ai presque un remord, est-ce qu’elle m’attendait ? Pour être honnête sa réponse d’hier soir ne m’avait pas incité à aller lui reposer la question ce matin. Obstacle des langues ou éternelle incompréhension féminin-masculin ? Nous repartons ensemble.

En route nous sommes doublés par un jeune couple de cyclistes Espagnols qui étaient à l’auberge avec nous. On dirait qu’ils sont en voyage de noce. Visiblement ils ont des difficultés, leur vélo et eux-mêmes ne sont pas taillés pour cette expédition et nous les recroiserons à plusieurs reprises, les dépassant quelquefois dans les côtes où ils poussent leur monture surchargée. Mais ils ont l’air heureux de partager ce qui pourrait paraître une épreuve dans d’autres circonstances.

11h30 nous débouchons par un petit sentier sur la plage de Tablizo après Ballota, le détour conseillé hier par l’hospitalero, une plage de galets entre des falaises. C’est beau, paisible, quelques oiseaux tournent au dessus de nous sur un fond de ciel couvert. Il n’y a personne. Kristine s’écarte pour aller méditer au son du ressac, je me contente de contempler, c’est un peu pareil.

Trois minutes de sérénité

A Cadavedo nous nous approvisionnons en prévision de l’étape de ce soir puis nous allons pique-niquer sur un banc dans un petit square. Jusqu’à présent c’était souvent Kristine qui montrait la route, elle a ce guide qu’ont la plupart des Allemands, un guide sans photo et sans carte mais avec un descriptif très précis du chemin. Après la pause je pars en tête … et je me plante royalement. Nous avons dû faire 2 à 3 km en trop. Je suis confus. Gentiment elle m’assure que sans mon erreur nous n’aurions jamais découvert cette très jolie petite anse en bord de mer, qu’elle valait vraiment le détour puis reprend fermement les opérations en main et nous remet sur le bon chemin. Bon c’est promis je ne recommencerai plus !

Je ne sais pas si elle veut rattraper le temps perdu mais elle galope en tête et j’ai de plus en plus de mal à suivre. « Ecoute, vas-y, par devant si tu as besoin de foncer. » « Non, je ne fonce pas je vais juste à mon rythme. » « Justement, le mien est un peu, beaucoup, plus lent. Ne te sens pas obligée de m’attendre, on se retrouvera probablement ce soir » « Bon d’accord, à ce soir. ». Nous sommes sur le même chemin, mais notre équipe ne fonctionne pas au niveau de la marche. Elle part, je ralentis pour lui donner de la marge. Subitement elle s’arrête pour enlever un caillou de sa chaussure, je la dépasse ; un peu plus loin comme à mon habitude je ne vois pas un signe et j’entends derrière moi Kristine qui me hèle pour m’indiquer la bonne direction, me revoilà dernier. Ce fut laborieux mais cette fois-ci la scission a bien eu lieu, à chacun son Chemin.

Un peu plus loin, au niveau du magnifique point de vue sur les plages de Cueva la pluie se déclenche et se maintiendra jusqu’à l’auberge de La Almuña très excentrée que l’on atteint en suivant une interminable route en ligne droite très passante. J’y suis vers 18h. Personne. Ce n’est pas vraiment un temps à s’arrêter pour admirer le paysage, où est passée Kristine ? A-t-elle continué sur Luarca ? Il n’y a pas d’auberge mais il y a sûrement des « pensions » et ce serait sûrement plus agréable de passer la soirée là-bas. Elle arrive quelques minutes plus tard, cette fois-ci c’est elle qui s’est fourvoyée : sur la grand-route elle n’a pas remarqué sur un poteau la petite flèche qui indiquait le détour vers l’auberge, elle a suivi le chemin principal. Bon me voilà rassuré, elle n’est pas infaillible.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

Le gîte est bien, spacieux, propre, avec une cuisine équipée d’un micro-onde. Je fais une grande lessive sans grand espoir qu’elle sèche mais je trouve que tout pue. Nous resterons seuls, les autres ont dû s’arrêter à Cadavedo. Nous nous installons chacun dans un dortoir, nous n’allons pas nous gêner ; j’étends tout mon linge à sécher sur les montants des lits qui m’entourent et j’ouvre un maximum de fenêtres pour faire circuler l’air, il fait doux mais l’humidité ambiante est proche de 100%.

Après un repas sommaire mais chaud la pluie cesse et je passe un petit moment à lire sur la terrasse à l’entrée de l’auberge pendant que Kristine décidément pleine d’énergie est partie faire quelques courses dans un supermercado qu’elle avait repéré en arrivant.

Demain ce sera La Caridad à 33 km. Aujourd’hui j’ai gagné un jour !

1548 kilomètres parcourus depuis Auffargis

 

6 réflexions au sujet de “Vers Luarca (La Almuña) sur le Camino del Norte – Mon Chemin de Compostelle”

  1. Re: Luarca (La Almuña)
    Décidément Pierre, c’est toujours un réel plaisir de te lire!
    Instructif, amusant, émouvant.
    Merci pour ces écrits.
    Tu donnes envie de prendre les chaussures de marche et en avant…
    Au plaisir de te lire.
    Amitiés,
    Sophie

    Répondre
  2. Demande d’ autorisation
    Bonjour Pierre,
    Encore bravo pour ce beau travail et ces belles photos…
    Tu m’as dit que tu étais en relations avec Christian du Québec, sans doute sous le soleil, l’hiver… sais-tu s’il est revenu ?
    J’aurais besoin de son autorisation pour prendre et publier la photo de lui au pied de la Tour St Jacques entre autres dans mon blog et il ne répond pas aux commentaires que je lui ai laissés.
    Pourrais-tu stp intercéder en ma faveur ?
    Merci d’avance,
    J F F

    Répondre
  3. RE : Eglise de Queruas
    Bonjour la fargussienne,
    J’avoue ne pas pouvoir répondre avec précision à cette question. Il s’agit peut-être plus d’une sorte de préau qui précède l’entrée de l’église comme il y en a souvent dans toute cette région. Quant aux pluies, le récit peut laisser penser qu’elles y sont abondantes mais il ne faut pas oublier que nous sommes en octobre.

    Répondre
  4. Eglise de Queruas
    Curiosité : l’église est-elle entourée d’un « déambulatoire » couvert tant il pleut dans cette région ? Sinon qu’est-ce ?

    Répondre

Laisser un commentaire