Vers El Pontarron de Guriezo sur le Camino del Norte – Mes Chemins de Compostelle

Vendredi 25 septembre,
37e étape : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 678 kilomètres

El Pontarron de Guriezo
De Pobeña-Muskiz à El Pontarron de Guriezo

Je quitte l’auberge de Muskiz, il est 8h10. Le petit-déjeuner ce matin fut encore très chaleureux et s’est transformé en séance de photos souvenir. Il fait très doux le ciel est un peu couvert, le chemin suit la côte, au loin, derrière nous, on devine la raffinerie. Nous partons vers Pontarròn de Guriezo où nous comptons faire étape.

Au niveau d’Ontòn deux chemins sont possibles, le premier, décrit comme plus long et avec une forte montée, passe par Ontanes à l’intérieur des terres, l’autre longe la côte et serait quant à lui délicat par temps de pluie et déconseillé aux cyclistes. Il fait beau, nous ne sommes pas particulièrement en manque de kilomètres, la mer scintille, nous choisissons de continuer en sa compagnie. Disons-le franchement ce tracé est réservé aux pèlerins qui n’ont pas le vertige, qui ont le pied marin ou qui ont été chèvre dans une vie antérieure : le sentier étroit surplombe la mer d’une bonne centaine de mètres, est encombré de buissons épineux impossibles à contourner qui vous griffent et vous poussent vers le vide, vers les rochers, vers l’eau que j’évite de regarder pour me concentrer sur l’endroit où je pose mes pieds car ce n’est vraiment pas le moment de trébucher. Une interminable demi-heure plus tard nous finissons par rejoindre un enclos à moutons au bas du village suivant, Mioño, fiers d’avoir franchi l’obstacle mais pas vraiment persuadés d’avoir fait le bon choix. ( Christian a lui aussi raconté cet instant mémorable sur son blog). Ce tronçon devrait être supprimé du Chemin, il est trop dangereux; bien sûr il y a un avertissement mais c’est une prise de risque inutile.

Les Bordelais ont eux opté pour la variante montagne, non pas qu’ils soient plus sages que nous mais c’est leur dernière étape, ce soir ils arrêtent à Castro Urdiales, et ils veulent prolonger l’instant, retarder la fin du voyage. Nous sommes convenus de passer cette dernière soirée ensemble : ils nous rejoindront à Pontarròn avec la voiture qu’ils ont laissée à Castro Urdiales pour leur retour à Bordeaux.

Nous arrivons vers 11h à Castro Urdiales avec ses belles plages et un centre ville intéressant où malgré des travaux envahissants il règne une atmosphère de vacances. Nous nous offrons une pause détente dans un café face au port : les émotions ça creuse. Les arènes à la sortie de la ville attirent Christian qui n’en a jamais vu d’aussi près, une porte est ouverte, nous entrons. Je ne suis pas un aficionado mais il faut reconnaître que même vide cet endroit dégage une sorte de magie.

Après la ville nous longeons un moment l’autoroute puis au niveau de Cerdigo nous retrouvons un sentier côtier qui cette fois est vraiment adapté aux humains. Nous nous arrêtons pour casser la croûte face à la mer : la vue est splendide. Nous sommes hors du temps. Il y a des moments où ce n’est pas facile la vie de pèlerin !

Ensuite c’est Islares qui a l’air d’une ville fantôme avec toutes ces maisons à vendre et ces chantiers arrêtés. Puis il faut à nouveau suivre une grand-route qui longe une plage magnifique parcourue au galop par un cavalier qui profite de l’espace. Pour éviter la circulation Christian a l’idée de marcher sur le muret qui sépare la route de la mer en contrebas. Je l’imite, il a l’air à l’aise, je ne peux pas en dire autant. Me revoilà à surveiller mes pieds ; quand je veux contempler la mer par prudence je m’arrête puis je reprends cet exercice de funambule … ou presque car le muret a au minimum 50 cm de large ! Norbert qui nous rejoindra ce soir me racontera que lui aussi a emprunté ce moyen pour éviter la circulation mais que comme moi il n’était pas vraiment à son aise. Un gars normal quoi, comme la nature, nous avons horreur du vide !

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

Nous atteignons El Pantarròn vers 16 h, où il faut demander les clés du refuge au bar du même nom. Mon guide espagnol indique « Aportaciòn : la voluntad » qui peut se traduire par « Contribution : à votre convenance », donc une « donation », mais que dans ce genre d’auberge pour pèlerins j’aurais tendance à traduire par : « Apportez votre bonne volonté ». Nous ne sommes que deux dans un dortoir encombré d’une vingtaine de places, mal entretenu et la cuisine est à l’avenant. Peut-être qu’en réclamant une petite contribution moins aléatoire qu’une « donation » on pourrait rémunérer quelqu’un pour assurer un minimum d’entretien, palier la négligence des pèlerins. J’ai l’air de me plaindre mais c’est juste pour la forme et même si ce n’est pas parfait nous sommes comme des coqs en pâtes, il fait beau, il y a une petite terrasse qui donne sur un ruisseau avec des hérons : encore un moment extrêmement difficile pour le pèlerin… Bientôt nous sommes rejoints par Norbert qui malheureusement prend sa douche froide : apparemment la capacité en eau chaude est limitée. Nous nous sentons (presque) coupables.

Le soir nous avons rendez-vous au bar El Pantarròn, même Norbert est de la partie. Jean-Louis veut nous faire découvrir cette région où il a passé de nombreuses vacances et nous voilà donc partis à six dans sa voiture, une grosse voiture. Il nous emmène à la plage de La Ballena de Oriñon où il connait un bon restaurant malheureusement inaccessible ce soir pour cause de concert de rock. Après avoir erré un moment à la recherche d’un endroit agréable où passer cette soirée d’adieu nous repartons à Castro Urdiales où ils ont repéré un « menu pèlerin » à proximité de l’auberge des pèlerins.

Bon le cadre n’était pas ce qu’il aurait pu être sur la plage de La Ballena (La baleine) et le menu était très « pèlerin » mais l’ambiance, elle, fut à la hauteur. Nous étions un peu inquiets pour Norbert, mais il nous a précisé qu’il n’était pas vraiment végétarien, que simplement il n’aimait pas la viande, et quand il nous a appris qu’il était cuisinier dans un centre de santé nous avons tous spontanément éclaté de rire : cela paraissait tellement incongru au vu de ses rapports avec la nourriture. Une excellente soirée « ce n’est qu’un au revoir… », trois s’arrêtent, alors que trois continuent.

Le choix du dessert

Ensuite Jean-Louis nous a ramené à El Pantarròn à en fait seulement une dizaine de kilomètres, quelques minutes en voiture ; après toutes ces semaines il faut un effort mental pour se rhéabituer à cette échelle des temps.

Demain, avec Christian nous avons décidé de marcher séparément. Nos compagnons ne comprennent pas cette séparation, ce divorce comme ils l’appellent. En fait c’est moi qui en ai besoin. Je pense, j’espère, que Christian comprend. Il envisage de s’arrêter dans une Auberge de Jeunesse à Laredo ou à Santoña où il y aura un accès Internet pour mettre à jour son blog qu’il n’a pas pu compléter depuis Bilbao. Pour ma part je ne sais pas ; ces villes sont à une bonne vingtaine de kilomètres, c’est peu. Nous ne nous fixons pas de rendez-vous, ambiance du Chemin oblige nous faisons en quelque sorte confiance à la providence, nous sommes un peu nostalgiques mais pas inquiets, nous savons que nous nous retrouverons.

Les arènes de Castro Urdiales
1146 kilomètres parcourus depuis Auffargis

 

2 réflexions au sujet de “Vers El Pontarron de Guriezo sur le Camino del Norte – Mes Chemins de Compostelle”

  1. Bonjour Françoise
    Pour moi aller à Compostelle ce n’est pas une rando, c’est un voyage. On ne fait pas ce trajet pour seulement profiter des petits oiseaux. De temps en temps il y a un sentier de temps en temps c’est une route. Ultreia. Il faut avancer, atteindre le but du voyage que l’on y voit un but spirituel ou simplement celui que l’on s’est fixé d’atteindre Santiago. Alors c’est vrai qu’un sentier est souvent plus agréable mais le goudron d’une petite route peu fréquentée peut aussi avoir ses charmes; il y en a aussi beaucoup du côté du Puy. Ce qui est pénible c’est d’être exposé au bruit et surtout au danger de la circulation automobile. Bon d’accord je pinaille sur le terme goudron surtout que je m’adresse à quelqu’un qui sait tout ça. Donc pour répondre à la question c’est vrai que suite notamment à la construction d’un autoroute il y a sur la voie du nord des passages sur des routes à grandes circulation qui sont assez stressant, plus que sur le Camino Frances bien mieux protégé, mais cela devrait finir par s’arranger.
    A mon avis pour entreprendre la voie de la Plata en juillet il faut être bien habitué à la chaleur et adapter ses étapes en conséquence, c’est la pèriode la plus chaude si j’en croie cette page Internet :
    http://www.reseaumeteo.fr/climat.php?ville=Seville
    Toutes ces routes ont leur charme et il n’est pas facile de choisir. Le plus simple est de prendre le temps de les faire toutes 😉
    Pour le Camino Norte j’espère quand même avoir fini mon récit avant votre départ, cela pourra vous donner un élément de décision.
    Cordialement

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  2. Re: El Pontarron de Guriezo
    Bonsoir,
    Quelles photos magnifiques!
    Après le camino frances, j’avais l’intention de repartir cet été par la via de la plata, mais toutes ces photos du chemin du nord me mettent dans le doute. La montagne et la mer en même temps! On m’a dit qu’il y avait beaucoup de goudron par cette voie. est-ce vrai? Comme je pense repartir en juillet, il serait peut-être plus judicieux d’envisager la route du nord, même si les dénivelés sont importants.
    En tout cas, merci de nous faire partager tous ces moments.

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