Vers Sainte-Maure-de-Touraine sur la voie de Tours – Mes Chemins de Compostelle

Vendredi 28 août,
10e étape : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 1520 kilomètres

Sainte-Maure-de-Touraine
De Sorigny à Sainte-Maure-de-Touraine

7h45, nous quittons l’hôtel de Sorigny. Ce matin levé à 6h30 mais Claude a encore besoin de se roder pour un départ au quart de tour ; en fait nous avons tout notre temps, Sainte-Maure-de-Touraine, notre objectif du jour, n’est qu’à 20 km.

Notre problème d’hébergement n’est toujours pas résolu. Le patron de l’hôtel nous a procuré le numéro de téléphone du presbytère : il faudra reprendre contact à 10h30 pour savoir s’il a pu nous trouver une solution.

Christian, lui, est parti environ une demi-heure avant nous. Hier soir il s’est procuré des pansements du genre « seconde peau » pour ses ampoules. Il va voir si cela le soulage sinon il est décidé à prendre le train pour Poitiers pour y acheter d’autres chaussures.

Le temps est très couvert ça sent l’humidité, mais il ne pleut pas. Le chemin ondule le long de la N10 que l’on entend dans le fond mais ici, sur les petites routes, nous sommes tranquilles.

Un cycliste Hollandais nous rattrape, il va à Saint-Jacques. En 12 jours il a déjà parcouru 1000 km et il compte environ 1 mois pour arriver à Compostelle.

Quelques gouttes, nous sortons la cape.

A Sainte-Catherine-de-Fierbois nous visitons l’église où Jeanne d’Arc aurait trouvé son épée. Comme convenu nous appelons le père Vincent ; il nous assure qu’il nous trouvera un hébergement pour ce soir. Il nous demande de le recontacter à 17h pour lui confirmer notre demande et dans ce cas être à 18h devant l’église. Un vrai rallye. Nous voilà logés mais que va-t-on faire jusqu’à 18 h ? Nous devrions être à Sainte-Maure vers midi. Nous envisageons d’aller jusqu’à la Celle-Saint-Avant, 14 km plus loin, mais là aussi tout est occupé. Au delà ce serait trop loin.

Depuis un moment c’est le grand ciel bleu avec quelques nuages, il fait très beau, il y a un petit vent : idéal pour la marche.

Hier soir avec Claude nous avons eu une longue conversation sur le deuil, les répercussions sur les enfants, etc … Ce matin aussi nous échangeons beaucoup mais sur un sujet moins intime : notre vie professionnelle. Notre compagnonnage tourne à l’auto-analyse.

Je parle, je parle … et même si j’écoute aussi, un peu, j’oublie de regarder la carte et nous voilà sur la N10. Nous nous sommes égarés. Pour ne pas rebrousser chemin nous décidons de l’emprunter jusqu’à pouvoir rejoindre notre route qui la coupe un peu plus loin. Pendant une demi-heure nous marchons sur le bord de la bande d’arrêt d’urgence ce qui met une bonne distance entre nous et la circulation mais c’est très bruyant et stressant surtout au passage des poids-lourds. Inconsciemment j’allonge le pas, je n’entends plus rien, mon seul but atteindre la zone de calme.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

12h45 nous atteignons Sainte-Maure. Nous nous mettons en quête d’un restaurant mais il est un peu tard et tout est complet ou sur le point de fermer. En ville nous retrouvons Christian attablé à la terrasse d’un café. Il a fait le tour des possibilités d’hébergement : plus rien ou alors des chambres pour nabab. Il se remonte le moral avec une petite bière. Ses pieds crient grâce et il va résoudre d’un seul coup la question du logement et des chaussures en prenant le train jusqu’à Poitiers. Quelqu’un nous indique un restaurant ouvrier pas loin des halles ; nous nous y rendons tous les trois. Pour 10 euros nous avons droit à un repas pantagruélique, un vrai repas de travailleur, de pèlerin, avec vin à volonté. Nous passons un moment très agréable. Nous échangeons téléphones et adresses Internet, peut-être se reverra-t-on sur le Chemin.

Après le repas Christian part pour la gare, il en a bien pour trois quarts d’heure, ses pieds vont encore pleurer ; de notre côté nous nous lançons à la découverte de la ville, nous allons essayer de passer le temps jusqu’à notre rendez-vous de ce soir.

Nos déambulations nous amènent à l’office de tourisme situé dans le château. Il a lui aussi été construit par Foulques Nerra qui décidément nous fait un bout de conduite. A tout hasard nous reparlons de notre problème d’hébergement. Les hôtesses nous confirment que tout est complet mais l’une d’entre elles se souvient qu’un ancien jacquet accueille parfois des « pèlerins en détresse ». Elle nous propose de l’appeler. En attendant la réponse et parce que Claude ne peut résister à cette nouvelle tentation nous visitons le « Musée d’arts et traditions populaires » situé dans le château. La visite est sympathique et émouvante avec ses collections d’objets légués par d’anciens artisans ou des notables locaux et, élément non négligeable, se ponctue par une dégustation du fameux fromage de chèvre.

La réponse est positive, nos hôtes, Jean-Luc et son amie Catherine, seraient ravis de nous accueillir. Il va venir nous chercher en voiture car ils habitent un peu à l’écart de la ville. Je rappelle le père Vincent pour annuler l’opération et m’excuser du dérangement que nous lui avons procuré.

Soirée très agréable chez nos hôtes dans leur maison en pleine campagne que Jean-Luc est en train de retaper. La conversation tourne évidemment essentiellement autour du Chemin. Jean-Luc est devenu une sorte de consultant du Chemin de Compostelle dans le département. Il s’occupe du balisage, fait des conférences, des diaporamas, entreprend des recherches historiques. C’était extrêmement intéressant et surtout nous avons échangé tout un tas de sensations ; je me suis aperçu que les miennes étaient tout à fait en cohérence avec les siennes même si bien sûr chacun a sa personnalité. Depuis longtemps j’essaye de communiquer sur ce sujet, de partager ces impressions avec famille et amis et impossible de me faire comprendre. Ce soir j’ai pu constater que si je suis fou ou devenu fou je ne suis pas le seul.

Jean-Luc nous fournit de la documentation sur les possibilités d’hébergement dans le département, notamment des listes d’adresses de particuliers qui accueillent des pèlerins, renseignements qui ne se trouvent pas dans les guides. J’appelle à Dangé-Saint-Romain. Sur ses conseils je commence par la fin de la liste « sinon ce sont toujours les premiers qui sont sollicités » ; mais ce sont les vacances doublées d’un week-end, soit ils sont absents, soit ils reçoivent de la famille ; il me faut pratiquement remonter toute la liste pour avoir une réponse positive.

Demain nous dormirons donc à Dangé-Saint-Romain à environ 24 km. L’aventure d’aujourd’hui a été pleine de rencontres et de rebondissements agréables. Après l’aridité de la Beauce, la surexploitation touristique des bords de Loire, depuis Tours le Chemin commence à prendre tournure.

298 kilomètres parcourus depuis Auffargis

 

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