Vers Tours sur la voie de Tours – Mes Chemins de Compostelle

Mercredi 26 août,
8e étape : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 1572 kilomètres

Tours
De Amboise à Tours

J’attaque ma 2ème semaine. Il y a un an, jour pour jour, je démarrais mon Chemin du Puy.

Ce matin départ à 8h15 après un solide petit-déjeuner autour d’un buffet : jambon, fromage, … Royal. Nous en profitons pour faire discrètement un sandwich et prendre quelques fruits pour ce midi. Le temps est couvert. Quelques ondées sont annoncées dans la journée mais rien pour le moment.

Direction Vouvray à environ 18 km. Je n’ai rien réservé, nous nous en remettons à l’Office de Tourisme local.

Le chemin alterne entre des sections de routes parfois assez larges mais peu fréquentées et des sentiers de terre souvent à travers les vignes où des panneaux indiquent l’appellation des crus. Nous grappillons quelques grains : on ne risque pas d’en faire une orgie, il n’est pas encore à point. Mais on ne voit pas la Loire.

Nous marchons tranquillement, l’étape est courte, il faut laisser le temps à Claude de trouver son rythme. Nous discutons beaucoup, enfin pour être honnête c’est surtout moi qui parle, je me rattrape !

Juste avant Montlouis-sur-Loire nous rejoignons le Belge et la « dame de Montlhéry ». Visiblement je lui pose un problème, dès qu’il me voit il me lance « Je ne comprends pas pourquoi vous refaites le Chemin. » Que répondre ? Dire simplement « Parce que j’aime ça, j’aime ce mode de vie. » ? Je crois lui avoir déjà dit à Beaugency, mais visiblement ce n’est pas ce qu’il attend. Je botte en touche : « Parce que je suis un grand pêcheur. ». Décidément ça n’accroche pas, il n’a pas l’air de tenir à notre compagnie. Nous continuons notre chemin. Eux vont jusqu’à Tours où ils ont réservé une place à l’Accueil Spirituel de la basilique Saint-Martin.

11h15 nous sortons de l’église Saint-Laurent de Montlouis qui a la particularité d’être frappée sur son tympan par le devise républicaine « République française, Liberté, Égalité Fraternité ». En cherchant sur Internet j’ai vu qu’elle avait été gravée au moment de la séparation de l’église et de l’état en 1905 : ici on avait sans doute besoin d’affirmer cette victoire. A l’intérieur des vitraux qui racontent des événements ayant trait à l’histoire de la ville.

13h15 nous quittons Vouvray. Claude se sent en forme et décide d’aller jusqu’à Tours. C’est vrai qu’il ne reste plus qu’une dizaine de kilomètres. On a tout notre temps.

Après la traversée du pont de chemin de fer qui enjambe la Loire nous faisons une longue pause sur les bords d’un étang avec dégustation de notre pillage de ce matin (pillage toujours modeste : nous savons qu’il faudra le porter !) et une petite somnolence. Le spectre de la pluie annoncée ce matin semble définitivement écarté, le beau temps s’est installé et il commence à faire chaud : il y a des moments où la vie du pèlerin n’est pas facile.

14h15 nous rejoignons, enfin, le chemin de halage le long de la Loire où stationnent quelques bateaux traditionnels. Des bornes blanches marquées du sigle « D st M » jalonnent notre route. Nous apprendrons plus tard que cela signifie « Doyenné de Saint Martin » et qu’elles servent à baliser un « Chemin de Saint-Martin ». Halte à la concurrence !

Environ 15h, juste après le passage sous les restes d’un château fort, La Lanterne de Rochecorbon, petite halte dans la Guinguette à Lulu : une menthe à l’eau pour Claude un coca pour moi. Il règne une ambiance de vacances. La vie est parfois insupportable. J’en profite pour téléphoner et réserver une place à l’Auberge de Jeunesse de Tours. La dame de l’accueil m’explique patiemment comment arriver jusque là. Elle me demande notre heure d’arrivée et vu la distance restant à parcourir j’annonce « dans une heure ».

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

Le chemin entre dans Tours par la passerelle qui traverse la Loire juste devant le château puis nous mène à la cathédrale, j’éprouve un sentiment de plénitude, de bien-être. Au loin je reconnais la bibliothèque où j’allais avec ma mère les jeudis après-midi quand j’étais pensionnaire au lycée Descartes : un moment de nostalgie. Mais en fait rien n’a changé : je suis toujours en culotte courte ! Nous décidons de visiter la cathédrale toute proche avant de rejoindre notre chambre.

La cathédrale Saint-Gatien (et non, ce n’est pas Saint Martin, lui a sa basilique un peu plus loin) est splendide, malheureusement la façade est en restauration. L’intérieur est très aérien avec des vitraux magnifiques. Nous recroisons le Belge et la Française sans plus d’échanges. Bonne surprise, la visite du cloître de La Psalette est gratuite pour les pèlerins et la guichetière nous garde aimablement nos sacs. Visite très intéressante, nous prenons notre temps. En sortant je remarque qu’il y a des immeubles qui défigurent l’arrière-plan du site : tout à notre découverte des lieux nous ne les avions pas remarqués en entrant ((j’ai demandé à Claude, il a eu la même sensation) ; puissance d’abstraction de l’esprit, nous ne voyons que ce que nous voulons voir. En récupérant nos sacs je m’informe sur le flot de mes confrères pèlerins : ils sont nombreux au printemps mais depuis juillet-août il n’y en a plus !

17h nous rejoignons l’Auberge par les rues piétonnes. Claude est pris d’une petite soif qui me tenaille aussi. Nous nous installons à une terrasse et j’appelle l’AJ pour prévenir de notre retard. Pas de problème. Le seul problème c’est moi, je m’impose des limites trop étroites alors que personne ne me demande rien ; tout à l’heure j’aurais pu répondre « en fin d’après-midi » au lieu de « dans une heure » ; à ma décharge il faut reconnaître que je dois m’adapter au « Claude-pèlerin » qui sait prendre son temps et bouscule mes prévisions. Je ne demande qu’à apprendre.

18h30 on est enfin à l’Auberge. A l’accueil la dame nous demande en plaisantant par où on a bien pu passer, que « l’heure » annoncée a été longue. J’ai bien fait de prévenir. On croit que les gens n’en ont rien à faire mais ce n’est pas toujours le cas. Pendant l’enregistrement à l’accueil j’entends un Québécois (à l’accent il n’y a pas besoin de lui demander son passeport) qui demande à l’hôtesse où il pourrait acheter des chaussures de randonnée. Il y a des randonneurs qui viennent de bien loin.

Cette fois l’AJ est idéalement placée dans le quartier du vieux Tours. Nous ne sommes pas en dortoir, nous avons une chambre pour deux, les sanitaires sont sur le palier mais ce n’est pas gênant.

Le temps est formidable, c’est encore le mois d’août. Nous allons manger dans la vieille ville avec ses maisonsà belles façades et ses petites places pleines de bistrots. Il y a une ambiance estivale, festive, jeune. Cela fait bien longtemps que je n’étais pas venu à Tours et même si à l’époque mes centres d’intérêt étaient très différents je ne me rappelle pas m’être promené dans ces ruelles qui étaient probablement insalubres comme dans beaucoup de vieux quartiers à l’époque. Le changement est spectaculaire, réussi.

Demain Montbazon à 17 km est trop près et Sainte-Maure-de-Touraine à 43 km est trop loin. Il faudra donc trouver une étape entre les deux. Nous verrons. J’ai une petite douleur à une cheville. Je ne suis pas trop inquiet ce n’est pas du tout la même sensation que lors de ma tendinite ; pourtant nous n’avançons pas vite, c’est peut être d’ailleurs ça le problème. Ce fut une excellente journée. J’avoue que quand Claude m’avait proposé de m’accompagner un bout de chemin je n’avais pas fait preuve d’un grand enthousiasme mais je suis vraiment content qu’il soit là. Sa compagnie m’a revivifié, me fait découvrir ce périple autrement.

255 kilomètres parcourus depuis Auffargis

 

20 réflexions au sujet de “Vers Tours sur la voie de Tours – Mes Chemins de Compostelle”

  1. RE : demande de contact
    Je suis toujours en contact avec Christian. Comme beaucoup de Canadiens en ce moment il est possible qu’il soit parti chercher du soleil sous des latitudes plus clémentes.

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  2. demande de contact
    … j’aurais dû dire « certains sacrements » en effet.
    Me voilà devenu accro à la lecture de votre blog. Félicitations.
    Vos deux blogs, celui de Christian et le vôtre, qui se croisent donnent un résultat d’une grande efficacité. L’amitié y est partout présente. Et la fin est un clin d’oeil dont le hasard connaît le secret…
    J’ai cherché, en vain, à contacter Christian. Etes-vous toujours en relation avec lui ?

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  3. RE: Très drôle
    Bonjour Jean-François,
    A part le baptême il y a beaucoup de sacrements que l’on peut reprendre plusieurs fois (même le dernier quand c’est un faux départ).
    Blague à part il faudrait en rediscuter avec lui maintenant que, comme je l’espère pour lui, il est allé à Saint-Jacques il voit peut-être les choses différemment.
    Merci pour l’adresse, j’irai visiter votre blog.
    Cordialement

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  4. Très drôle
    … l’allusion aux shorts qu’on se remet à porter à un autre âge !
    Bravo pour ce blog et ces photos magnifiques.
    Mon blog raconte mon chemin… à l’envers, en commençant par la fin, mais la lecture peut se faire dans le bon ordre.
    C’est ici : http://chemincompostelle.over-blog.com/#
    Le Belge est sans doute un « pur et dur » qui s’est mis dans la tête qu’on ne doit vivre ce pèlerinage qu’une fois, comme un sacrement.

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  5. Pour Irène
    C’est vrai, en ce moment je lambine. En fait je préparais une expo photos qui se termine dimanche et je vais retrouver du temps pour continuer mon récit ; comme tu as pu le constater par toi même ce n’est pas toujours facile !
    J’ai été lire ton blog, il est très sympa et si tous les chemins sont différents on se retrouve dans le récit des autres pèlerins. J’espère que tu vas continuer.

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  6. Re: Tours
    Bonjour Pierre
    Au moins un mois que vous n’avez pas ajouter une ligne. Je reste sur ma faim.
    J’ai commencé moi aussi à mettre mon périple sur la toile.J’ai pas autant de talent mais tant pis il faut oser quand on en a envie. c’est presque plus difficile que faire le chemin…!!!
    Je te donnes l’adresse du blog :
    http://dufinistereacompostelle.blogs.letelegramme.com/
    J’ai commencé par le vous, puis j’ai employé le tu naturellement… entre pèlerin…
    Buen camino à Florence

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  7. Le parcours!
    Bonjour Pierre,

    Je suis impatiente de lire tes autres étapes!Ton récit me donne envie de faire ce chemin aussi! Tu le décris si bien!Pour moi, le compte à rebours a commencé: J-15 ! C’est l’éternel angoisse du départ! Une fois sur le chemin c’est le bonheur!

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  8. photo
    Bonsoir Pierre,

    J’ai passé un bon moment sur la rubrique « photo ». Vous avez « l’oeil du photographe » ; c’est un plaisir que de se promener avec vous.

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  9. Pour Irène
    Bonjour Irène,
    En fait c’est plutôt que je m’attendais à autre chose, je m’étais habitué à la multitude du Chemin du Puy et il faut le reconnaître cela m’avait plût. Ici rien de tel. De plus c’est vrai qu’après Tours et surtout après Poitiers le Chemin est très différent, on n’est plus noyé parmi les touristes, on est enfin sur le Chemin.

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  10. Re: Tours
    Bonjour Pierre
    De St Jean D’Angély à Onesse , nous avons parcouru le même chemin. j’ai hâte de lire votre traversée des Landes. J’ai rencontré très peu de pèlerin avant Bordeaux, mais la solitude ne me pesait pas, j’étais bien tout simplement

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  11. Re: Tours
    Toujours plein d’admiration pour la prouesse physique, les photos et le récit. Mon aînée, catherine, a vu la dernière mouture avec encore plus d’admiration que moi.amitiés.
    B. Briquet

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  12. « nous » voici donc arrivés à Tours,
    Très beau récit en forme de reportage. La prochaine fois que je partirai, j’essaierai également de prendre le temps de faire les choses bien et calmement. Mais, il est vrai qu’au retour du premier chemin, l’exaltation est telle que j’avais envie de raconter tout très vite…
    Merci et à bientôt pour la suite
    Mony
    http://www.actu-monyclaire.com

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  13. RE: Le Belge
    Colère non, je ne pensais pas que mon récit pouvait évoquer ce sentiment. Frustration oui : le seul pèlerin que je rencontre et pas moyen de vraiment communiquer. Pour l’amateur de pensée binaire, qui est le « lui aussi » ? Toi ? 😉

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  14. Le Belge…
    Intrigante cette non-relation. La gêne va-t-elle se dissiper ? Nous le saurons lors des épisodes prochains. Peut-être ? N’empêche, il y a frustration et voire même incompréhension mâtinée de colère alors j’aimerais bien comprendre. Peut-être a-t-il simplement horreur de la technique « je botte en touche » ? Peut-être est-il, lui aussi, amateur de pensées binaires, oui, non, point barre ?

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  15. Tours.
    Bonjour Pierre,
    Je trouve que c’est bien d’écrire et publier les étapes les unes après les autres : je crois que çà donne plus envie de connaitre la suite, que de tout « livrer en bloc! »
    Surtout que c’est beau!…

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