Mercredi 1er Octobre,
37e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 609 kilomètres
7h du matin, Najera.
Ce matin, je ne sais pas pourquoi, réveil obligatoire à 6h, le départ se fait donc de nuit. Il fait frais, la polaire est indispensable. Direction là où il y a des poules dans une église pour commémorer la réparation d’une sombre erreur judiciaire dont vous pouvez découvrir le récit en suivant ce lien : Santo Domingo de la Calzada, calzado c’est une chaussure j’en déduis que calzada pourrait être la chaussée, le chemin donc.
Le refuge ne proposait pas de petit-déjeuner, mais il y avait des machines à café. Le café largo, c’est-à-dire grand, est toujours servi sucré, pas d’autre choix, et je ne sais pas avec quoi ils le font, mais la petite spatule en plastique reste droite dans le gobelet, c’est de la pâte de café. Avec ça je mange des madeleines, elles se conservent à peu près correctement sans se dessécher même si elles s’émiettent un peu au cours du temps. Je vous livre là des détails des plus intéressants !
Au départ de Najera, la lampe frontale m’a été indispensable pendant environ une demi-heure. Le chemin était facile, le problème n’était pas de ce côté, mais il fallait pouvoir distinguer les signes, les flèches jaunes. Derrière moi, lever de soleil sur Najera.
Jusqu’à Azofra pas grand monde sur la route, mais ici il y a une autre auberge qui déverse ses pèlerins sur le chemin ; ils ont dû être réveillés beaucoup plus tard, les chanceux, car ils démarrent seulement. Il fait très beau, encore un peu frais et les paysages sont agréables, un peu vallonnés, cultivés.
Peu avant 9h je quitte Azofra après une pause café.
Hier, Hélène m’a envoyé un SMS puis me l’a confirmé au téléphone : la bourse s’effondre, c’est le crack. Je ne dirai pas que je m’en fiche car c’est quand même très embêtant mais ça ne m’atteint pas vraiment pour le moment, je vis dans une bulle et j’ai pu constater que nous sommes tous dans le même état sur le Chemin. Le réveil risque d’être douloureux.
Environ 11h, traversée de Cirinuela. A l’entrée de la ville un super golf dont le green est super green je n’ose pas imaginer la quantité d’eau qu’il absorbe. La ville est une espèce de ville fantôme mais neuve. Les immeubles, les pavillons, les routes, tout est neuf et il n’y a pas un chat. Tout a l’air inhabité. Je me demande si c’est un effet de la crise des subprimes. Un peu plus loin la vieille ville avec des maisons qui par contraste semblent complètement décaties, envahies parfois par les herbes.
Le soleil est présent, il n’y a quasiment pas un arbre le long de la route mais il ne fait pas trop chaud.
Le paysage par sa dominante jaune due aux champs de blé récemment moissonnés évoque le désert mais en fait en été tout doit être vert. Les teintes sont pastel, les collines au profil adouci sont surmontées d’arbres et les terres labourées apportent une note rouge. L’ensemble est très agréable.
Arrivée peu avant 14h à Santo Domingo de la Calzada. J’ai de la chance car l’auberge ferme à 14 h pour ne rouvrir qu’à 16h. Je vois plein de marcheurs qui poireautent devant la porte en attendant la prochaine ouverture.
Cette auberge est le plus vieil établissement de ce genre sur le Chemin et ce n’est pas rien, elle remonte à 1044. Je vous rassure ils ont quand même changé la literie depuis. Il y a trois dortoirs, un entièrement rénové avec des sortes de box qui cassent le côté promiscuité, une partie plus sommaire sous les combles, mais sans lits superposés, sympathique avec ses grosses poutres apparentes, c’est là que j’échoue avec une vingtaine d’autres marcheurs, et le troisième nettement moins agréable, un dortoir immense tel que j’en ai déjà rencontré, ce sera là qu’atterriront ceux qui attendent dehors.
Depuis hier le paiement des refuges se fait par «donation», chacun donne ce qu’il peut, ce qu’il veut. J’en soupçonne certains de ne rien donner du tout, il n’y aucun contrôle. En général je donne 5 euros c’est à peu près la somme qui était demandée dans les autres. Ce sont des refuges tenus par des œuvres caritatives espagnoles ou autres, suisses, anglaises, … Compte tenu du flot de pèlerins sur le Chemin l’entretien de ces établissement, bâtiments, literie, sanitaires, cuisine, … représente un coût qui doit sûrement être compensé par des dons extérieurs. C’est l’esprit du Chemin, en tant que pèlerinage, qui perdure et sans lequel il deviendrait tout à fait autre chose, je suis conscient que j’en bénéficie.
La ville est plein réaménagement, il ya des travaux partout, la cathédrale est couverte de filets et d’échafaudages ce qui gâche l’effet. Je veux me rabattre sur l’intérieur mais là aussi il faut attendre 16h : apparemment ici la vie s’endort jusqu’à cette heure. Je suis sur la grande place, il n’y a pas un chat, il fait chaud j’en profite.
17h45 je sors de visiter la cathédrale. C’est comme à Burgos que j’ai visité à une autre occasion, l’entrée est libre jusqu’à une grille à travers laquelle on aperçoit tous ces fabuleux trésors mais pour en voir plus il faut payer. Les pèlerins ont droit à une réduction sur présentation de leur crédentiale : 2,5 euros au lieu de 3,5.
A l’intérieur beaucoup de belles choses. En plus de la cathédrale elle-même il y a une exposition avec des objets cultuels, ciboires en or, etc…, des sculptures et des tableaux, notamment des triptyques dont celui de « L’annonciation » de Van der Berck (si j’ai bien noté le nom) très lumineux, très fin qui m’a particulièrement séduit.
Dans la cathédrale, déception, la crypte où séjournent habituellement les poules est en réfection ! Donc pas de poules. Pas de pot. Sinon on peut monter sur le toit, honnêtement rien d’extraordinaire, la vue sur la ville n’est pas assez dégagée, mais ça me fait toujours plaisir : j’aime bien monter sur les toits des cathédrales. Pour arriver là haut il faut emprunter un escalier étroit dont il est demandé de fermer la porte. En redescendant je remarque l’écriteau apposé sur la face intérieure de la porte : « Si la porte est fermée à clé, merci d’appeler », il doit falloir crier très fort vu l’épaisseur des murs !
Ici il y a deux paradors installés dans des cloitres et dont on peut apercevoir le luxe à travers de grande fenêtres qui donnent sur la rue : il y a des Chemins plus douloureux que d’autres !
Ce soir des pèlerins m’ont proposé de partager le repas qu’ils vont préparer dans la cuisine du refuge. J’ai accepté, en France j’avais regretté de ne pas l’avoir fait. Aujourd’hui c’est l’occasion d’essayer.
poules et coqs
Une poule et un coq sont bien dans la cathédrale, et ceux de rechange sont à l’albergue en mars 2013. Philippe 3 camions
Pour Angélique
Merci pour ce gentil message qui est aussi un partage.
Et Buen Camino pour votre prochaine « portion ».
Santo Domingo…
Bonjour PIerre,
Quel beau travail ce site que vous nous offrez là, quel beau partage qui me font revivre des moments uniques qui sont aujourd’hui comme des trésors intérieurs.
Je fais le chemin par portions car travaillant, il m’est impossible pour le moment de partir plus de 3 semaines d’affilés. J’ai commencé l’année dernière et viens de terminer ma 3ème portion à Santo Domingo de la Calzada il y a tout juste un mois.
Quelle expérience ce chemin.
J’adore votre site, les photos, le descrptif de votre chemin et les petites touches « voix et sons ».
Merci pour ce partage et au plaisir.
Cirinuela
Bonjour Jean Claude,
Donc rien à voir avec les subprimes.
Décidément ce poulailler joue les arlésiennes !
Santo Domingo de la Calzada
Bonjour Pierre,
Cirinuela était déja une ville fantôme quand j’y suis passé en 2005… il y avait même des routes en construction et en chantier!
A santo Domingo nous avons eu le culot 3 pèlerins et moi, et en tenue de marche, d’aller au Parador, prendre un café dans les salons aux fauteuils de cuir…
Eb bien, surprise nous avons été très bien accueilli, et le café pas plus cher qu’ailleurs!
Ca m’avait marqué plus que le poulailler dans la cathédrale que je n’ai pu voir, pour cause de messe : c’était un dimanche matin!
Bonne route pour la suite.