Samedi 27 septembre,
33e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 713 kilomètres
7h30 je quitte le refuge de Puente la Reina. Le ciel est légèrement couvert, il fait un peu frais mais les rues de Puente la Reina sont déjà animées. Direction Estella à environ 24 km. Sandra et moi allons essayer de continuer ensemble. L’étape n’est pas très longue, je pars sans mon attelle, je l’ai portée à une jambe ou à l’autre depuis 15 jours. Je me sens tout nu. Va-t-on me reconnaître ? Je prends le risque.
Premier objectif, trouver un petit-déjeuner. Sur la rue qui traverse la vieille ville vers le vieux pont un bistrot est ouvert et un flot de pèlerins s’y entassent, il y en a jusque dans la rue. J’y retrouve mes compagnons de table d’hier soir, petit à petit un réseau de connaissances se crée, une sorte de confrérie. Un Espagnol insiste pour offrir un gros pain à Sandra. Un café et quelques viennoiseries et on reprend la route.
9h, après une côte assez raide arrivée à Mañeru. Le temps est couvert mais agréable, le paysage est un peu industriel.
9h45 Cirauqui très belle ville avec une église et son porche mozarabique (c’est le guide qui le dit, je ne suis pas un spécialiste). Encore une fois l’église est fermée, il semble qu’il y ait des horaires assez bizarres. Quelqu’un me disait hier soir qu’il avait pu visiter la cathédrale de Pampelune à 16h.
A la sortie du village le Chemin emprunte une ancienne voie romaine bordée par des térébinthes (encore dixit le guide). En route un paysan s’est installé au bout d’un rang de vignes et offre du raisin à tous les pèlerins. Décidément c’est le jour des dons.
Le temps reste couvert, ce qui gâche un peu l’effet visuel du paysage.
J’interroge Sandra sur sa communauté et je me rends compte qu’hier je n’avais pas bien compris. Je me croyais en compagnie d’une future mère Teresa et en fait elle vit dans un ashram où elle enseigne le yoga et voudrait aller en Inde pour étudier l’Hindouisme pour devenir une espèce de moine Hindou. Tous les chemins ne mènent pas qu’à Rome !
11h petite pause sous un pont médiéval qui enjambe le rio Salado :
Le temps n’est pas fameux et les polaires s’imposent, c’est bien la peine d’être en Espagne !
11h45 Lorca. Sandra parle de s’y arrêter. Depuis un moment je la vois traîner la patte : elle a deux énormes ampoules sous les pieds. Je lui apprends à les percer avec une aiguille, pansement, on repart.
Aujourd’hui encore les pèlerins forment un chapelet sur le Chemin, c’est le week-end et il y a beaucoup d’Espagnols qui font simplement une rando. Ils ont un tout petit sac et marchent évidemment plus vite. Ils rient, parlent très fort mais sont toujours très gentils. Ce n’est pas la solitude mais c’est vivant.
13h Villatuerta. Pendant la visite de l’église une dame explique l’histoire de l’édifice et vante ses qualités acoustiques. Du coup une visiteuse se lance et se met à chanter pour vérifier :
A la sortie de l’église Sandra m’annonce qu’elle va s’arrêter là, elle souffre trop, il faut qu’elle se soigne. Elle a repéré un refuge à l’entrée de la ville elle va y retourner. Elle m’a expliqué que pratiquement tout ce qu’elle a lui a été donné par des amis pour qu’elle puisse faire ce voyage, ça va du couteau suisse à la guitare en passant par les chaussures qui ont déjà été portées par quelqu’un d’autre ce qui explique peut-être ses soucis actuels. A moins que ce soit en voulant s’adapter à mon rythme … Bon j’espère qu’elle va pouvoir continuer après un peu de repos et quelques soins. On se sépare, à chacun son Chemin (je m’y mets).
L’arrivée sur Estella longe Le rio Ega mais traverse malheureusement une petite zone industrielle. A l’entrée de la ville on passe devant l’église du Santo Sepulcro (Saint Sépulcre), très délabrée mais qui a conservé une belle façade. Un Espagnol émerge d’un groupe qui pique-nique sur une grande pelouse devant l’église et veut absolument me prendre en photo : décidément ils sont tous attentionnés.
14h30 Ca y est je suis installé dans le refuge pèlerin. Il est tôt et j’ai envisagé un moment d’aller plus loin ; mais soyons raisonnable, une grande étape hier, pas d’attelle aujourd’hui, ne tentons pas le diable (il n’est sûrement pas loin dans ce genre de périple !).
Du coup je ne sais pas trop ce que je vais faire de tout cet après-midi, bon, enfin c’est un jour de repos c’était décidé comme ça. Je vais donc prendre une douche, manger, car je n’ai pas encore mangé, puis visiter, il y a l’air d’avoir des monuments assez extraordinaires : le guide parle de la «Tolède du Nord ».
Voilà un grand moment que je patrouille dans Estella le quartier historique est très intéressant mais relativement petit par rapport à l’ensemble de la ville qui pour le reste est très moderne. Il fait toujours beau mais dès qu’on est dans les rues il fait frais, j’ai gardé ma polaire. Le problème c’est qu’on est samedi et ici le samedi tout est fermé d’autant plus qu’il y a l’air d’avoir une fête locale. Je n’ai rien trouvé à manger pour demain. Enfin il me reste un demi-chorizo et un bout de pain, qui sera bien sec demain. Il faudra voir en route … mais ce sera dimanche !
Au gîte il en arrive tout le temps, ils accueillent jusqu’à 22h ! J’ai croisé l’Américain, il m’a dit qu’il n’aimait pas les ronfleurs et qu’il se payait une piaule, donc peut-être a-t-il d’autres solutions que le refuge. Je suis dans un dortoir de 16 personnes où je suis arrivé le premier. Il y a 114 places au total, j’avais le numéro 17. Ici à l’entrée on reçoit un numéro qui correspond à celui d’une place, pas d’improvisation. Peu après arrive Jonathan, un Suédois polyglotte (français, anglais,…) qui, avec le numéro 18, est donc au-dessus de moi, suivi de près par une flopée d’Espagnols englobant d’autres pèlerins de toutes nationalités. Il y a une bonne ambiance.
A 17h pile l’église San Pedro de la Rua s’est ouverte : un beau cloître mais dominé par une route très passante, un portail trilobé, et un intérieur grandiose, je dirais même grandiloquent, mais malheureusement délabré.
20h30 Je mange une pomme. C’est la fête à Estella. Saturday night fever en Estella. Les rues de la ville, qui cet après-midi étaient quasiment désertes comme d’habitude, grouillent de monde depuis environ 19h. C’est l’Espagne. Il y a des orchestres sur les places, des illuminations, des feux d’artifice et les cloches se déchaînent :
Il a fallu résoudre un problème qui devient récurrent aujourd’hui : où manger ? Pas un seul « menu pèlerin ». Tout est fermé. Si on vise plus chic il y a bien quelques restaurants mais il faut attendre 21h et les prix montent parallèlement à l’heure du service ! Pendant que je cherche désespérément, un Allemand m’aborde. Entre pèlerins on se reconnaît tout de suite, la dégaine, les chaussures, enfin bref, au premier coup d’œil on identifie un collègue. Donc on se met en chasse ensemble. Il ne parle pas un mot de français, d’anglais ou de quoi que ce soit : il parle allemand … et moi pas un mot. Après avoir demandé à droite à gauche, on atterrit dans un bar enfumé plein de monde où sont présentés des sandwichs (bocadillo en espagnol) et des parts de tortilla (omelette en français). On s’installe au bar, il avale deux sandwichs et moi deux parts de tortilla. D’accord ce n’est pas cher, j’en ai pour 2,8 euros, mais côté sucres lents ce n’est pas vraiment ça, par contre côté cholestérol … C’est pourquoi je complète avec une petite pomme que j’ai eu également beaucoup de peine à trouver. Vers 18h30 j’ai fini par dénicher un magasin perdu dans une petite ruelle qui vendait de tout ce dont on a besoin quand tout le reste est fermé : des pommes, des gâteaux enfin un peu n’importe quoi. En ressortant, grosse frayeur, la rue était pleine de flics en tenue de combat qui surveillaient la sortie d’un immeuble. Je ne dois pas avoir l’air si étrange, ils m’ont laissé passer.
Pour revenir à mon compagnon de ripaille, cet Allemand, il a un profil d’acteur, il est taillé à la serpe, on le verrait bien en chevalier teutonique. A la fin du repas il a sorti une petite boite, il a mis un peu de poudre de tabac sur la peau entre le pouce et l’index et hop, il a aspiré. Il m’en a d’ailleurs proposé. J’ai refusé noblement. Tout ça sans comprendre un mot de ce que dit l’autre, j’adore.
En fin d’après midi juste comme je rentrais à l’auberge, qui est-ce que je croise ? Anna Maria l’Islandaise, comme quoi mes histoires de 40 km un jour et puis 20 le lendemain ça ne sert strictement à rien, elle fait son petit bonhomme de chemin et à chaque fois elle me rattrape. Ce soir elle loge un peu plus loin et la nuit dernière elle était à Eunate. Tous ceux qui y sont allés m’ont dit que c’était formidable. Hier je ne suis pas passé loin, il fallait faire un détour de 2 à 3 km du côté d’Obanos mais je pensais être en retard pour l’arrivée au refuge à Puente la Reina. Caramba ! Encore raté.
Donc pour demain en fait je ne sais plus, je suis un peu paumé. Jusqu’à présent mon but était de gagner des jours mais je me demande si c’est une bonne idée, je passe à côté de plein de choses. Je vais essayer de me fier un peu plus aux circonstances, pas l’aventure mais presque. Parce qu’en fait je fonce, je me casse la gueule et puis je me retrouve avec les mêmes gens qui eux ont pris leur temps. Donc on va arrêter de se prendre la tête avec cette histoire de jours.
RE : recherche d’une église
Bonjour,
Il faudrait connaître la ville la plus proche puis rechercher dans Google images une photos qui ressemble à la votre après avoir poser une question du genre « église nom-de-cette-ville ».
Je passe moi-même un temps infini à essayer de retrouver le nom de monuments photographiés sur le parcours et dont j’ai oublié de noter les noms.
Bonne chance
recherche d’une église
monsieur, votre parcours est génial. Félicitations. je me permets de vous contacter car je suis à la recherche d’une église dont j’ai une photo et je ne me rappelle plus ou elle se trouve. Je l’ai visitée entre mon trajet d’Oviedo et Betanzos. Auriez-vous une idée comment faire pour faire passer le message. Je ne suis pas très débrouille en net.
Re: Estella
Bonjour Susie,
Merci encore pour ton accompagnement en lecture sur l’ancien parcours et en pensée sur le nouveau.
Re: Estella
Je te suis avec un peu de retard mais tjs avec le même émerveillement, le mot est choisi. Plaisir dela lecture et des photos, quelles joies tu me procures ! Je note que tu as des commentaires beaucoup plus longs depuis que tu es en Espagne, et que tu nous fais partager plus de photos encore, c’est très chouette.
Et pendant mon temps de lecture, tu arpentes de nouveaux chemins que je découvrirai l’an prochain, merci Pierre.
Susie