De Condom à Escoubet – Chemin de Compostelle

Mardi 16 septembre,
22e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 1048 kilomètres

Escoubet
De Condom à Escoubet
La Baïse à Condom
Condom - La cathèdrale

Un peu avant 8h. Je quitte le gîte d’étape de l’ « Etrier condomois ». Il fait un peu frais, ça pince le bout des doigts mais le ciel est limpide. Direction Escoubet, à environ 28 km, quelques  kilomètres  avant Eauze, car à Eauze c’était plein. J’attaque donc ma 4e semaine de marche et hier j’ai franchi mon 500e km. Ma jambe, toujours avec l’attelle, est impeccable.

Il faut que je refasse le petit bout de grande route pour rejoindre Condom et ce n’est pas comme dans les petits villages, à cette heure de prise de poste, il y a beaucoup de circulation.

8h30 je sors de Condom où  j’ai refait le plein de mon menu Spécial Compostelle : saucisse sèche,  tomate, pomme, endive, pain. Je longe la Baïse qui est survolée par une petite brume. C’est joli, c’est paisible.  Sur les bords de la rivière je croise les Finlandais et cette fois j’ai droit à plein de bonjours et de sourires ; ils ne m’ont peut être pas plus reconnu qu’hier mais maintenant que j’ai mon sac à dos ils m’ont identifié comme l’un des leurs. Je m’aperçois qu’eux, par contre, n’ont pas de sac à dos : ils ont dû opter pour le portage.

Routges

Comme à la sortie de toutes les « grandes » étapes  du Chemin il y a pas mal de marcheurs. Je retrouve mes compagnons d’Auvillar et de Castet-Arrouy mais eux arrêteront leur Chemin à Eauze et vont faire étape ce soir à Montréal. Sont également là les Québécois croisés à Golinhac. Je croise un groupe de 5 ou 6 personnes à l’accent très local accompagné d’un petit chien ; j’espère pour cette pauvre bête qu’ils ne vont pas aller comme ça jusqu’à Saint-Jacques.

La présence de tous ces gens autour de moi me pousse instinctivement à vouloir les dépasser. Il faut que je me maîtrise, que je freine pour ne pas retomber dans l’ornière «cheville ».

10h15 je fais la pause contractuelle. Je suis entouré de champs de haricots, enfin c’est ce que je crois identifier avec mes faibles connaissances botaniques.

11h, je dépasse l’église de Routgès seule au milieu des vignes, ici c’est du raisin blanc, tout à l’heure c’était du  noir, il n’y a pas vraiment de monopole. Le paysage est beaucoup plus doux au niveau vallonnement que les jours précédents. Il continue à faire beau mais pas chaud, disons que ce n’est pas accablant. Dans les champs on s’affaire, on laboure beaucoup.

Vignes

D’habitude je réserve la nuit suivante en arrivant au gîte du soir, mais compte-tenu du monde sur la route je viens de réserver à Nogaro. Le gîte communal est déjà plein. J’hésite un moment à allonger l’étape pour aller chercher un gîte plus loin mais ça risque de faire boule de neige : pour retrouver une ville étape il faudra à nouveau allonger l’étape suivante et ainsi de suite.  J’appelle donc l’Office de tourisme qui m’e donne des adresses de particuliers. Je conclus avec une dame, je vais loger chez l’habitant, ça sera la première fois, ça peut être agréable.

Au loin j’aperçois Montréal. Le flot (c’est un bien grand mot, il doit y avoir au maximum 15 personnes) des marcheurs s’est étiré en fonction du rythme de chacun et depuis un grand moment je suis tout seul, personne devant et personne derrière.

12h20 me voilà au centre de Montréal qui a le label « Plus beau village de France » : une place avec des arcades, une église intéressante et des remparts. J’avoue que j’ai vraiment survolé mais je n’ai pas ressenti le côté « plus » beau village de France.

Montréal

A la sortie de Montréal je retrouve le couple avec qui j’ai partagé  le gîte de Marsolan. Ils prennent l’apéritif avec des touristes qui pique-niquent le long des remparts et qui m’invitent également à les rejoindre. J’accepte la conversation mais je préfère m’abstenir côté boisson : le soleil tape quand même un peu et il reste de la route à faire. Le couple m’annonce qu’ils dorment ce soir à Escoubet dans une yourte : si c’est au même endroit que moi une surprise m’attend !

12h45 pause casse-croûte dans une plantation de peupliers.

13h30 je repars. Une envie de sieste m’a effleuré.

Depuis Moissac le chemin est souvent ombragé. Ici il est rectiligne et encaissé. Je comprends à quelques « ouvrages d’art » qu’il s’agit d’une ancienne voie de chemin de fer. Au niveau marche c’est très agréable, très performant mais pas au niveau paysage : deux murs de végétation, un à droite, un à gauche et on ne voit quasiment rien.

Vignes

14h30 depuis un petit moment le chemin serpente au milieu des vignes bien ordonnées, paisibles. Ici tout le raisin est blanc, il ne faut pas oublier que c’est le pays de l’Armagnac. La quiétude est troublée par un gros bulldozer qui accroche les branches des arbres sur le bord du chemin et les broie en envoyant des brindilles à 20 m à la ronde, je les évite de justesse. En fait d’élagage c’est un vrai massacre à la tronçonneuse.  Là où je passe tout est déchiqueté : vraiment un boulot de sauvage.

Les gens qu’on croise sont en général  très sympathiques mais il y a toujours des mauvais coucheurs Je viens de voir un panneau annonçant « propriété privée, pèlerins, randonneurs, promeneurs passez votre chemin sans vous arrêter ». On se croirait au Far-West.

15h30 je suis à nouveau sur une ancienne ligne de chemin de fer et je passe sous ou sur d’anciens ponts réservés à  cet usage,  un peu comme dans une ville fantôme, ce coup-ci me voilà plongé dans la ruée vers l’or. Enfin ça n’est pas une raison pour mener un train d’enfer !

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle
Ancienne gare de Bretagne-Armagnac

Un peu avant 16h15 voilà le « Domaine du possible » où j’ai réservé ma nuit. Surprise, je vois des yourtes. Je ne pourrai pas vous raconter mes impressions nocturnes dans une yourte. J’avais le choix entre yourte (mais celle où il restait de la place était déjà occupée par un couple que j’ai préféré laisser tranquille), dortoir et chambre particulière. C’est un petit peu plus cher mais je m’offre cette dernière. J’y prends goût. Si je compte mon arrêt forcé à Moissac, au total ça fait bien une semaine entière que je dors seul.

Le soir repas communautaire autour d’une grande table. Au début, comme je suis tout seul, je suis un peu paumé, enfin paumé dans le sens où je ne sais pas où me mettre, mais ça se goupille bien. Je me place à côté du couple retrouvé à midi à Montréal et  d’une dame qui vient à pied d’Annemasse. Elle est partie de chez elle : il paraît que c’est sublime de fermer la porte de sa maison en se disant je pars à Compostelle. Peut-être que j’essayerai un jour. Beaucoup des convives vont jusqu’à Saint-Jacques, c’est toujours plus sympa. Un trio de jeunes hommes, la vingtaine passée, vont eux à Saint-Jean-Pied-de-Port avec un gros chien : je ne sais pas, une fois encore,  s’il apprécie. Il y a également des Allemands ; l’après-midi on n’entendait qu’eux mais là ils se fondent dans la tablée. Enfin bref l’ambiance est bonne et le repas excellent.

Donc demain Nogaro à 25 km. Ma cheville se porte bien. Je n’ai pas mis mon attelle de la soirée mais je reste prudent : il ne faut pas que je me prenne les pieds dans le tapis sinon c’est le hurlement assuré. On verra demain matin.

Yourtes au Domaine du possible
531 kilomètres parcourus depuis le Puy-en-Velay

 

6 réflexions au sujet de “De Condom à Escoubet – Chemin de Compostelle”

  1. Pour Steven
    Merci pour ce partage. Le « domaine du possible », un nom qui ouvre des horizons ; c’est vrai que cela avait été un bon moment, même si à l’époque cela avait un petit côté « fin de vie », mais apparemment il était toujours fidèle au poste lors de votre passage.

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  2. Chemin d’etoiles
    Bonjour Pierre,
    Félicitations pour votre site et votre témoignage . Je me retrouve un peu dans vos écrits, toutes proportions gardées bien sur : j’ai 23 ans et j’ai fait le chemin du Puy a Saint Jacques entre mai et juillet 2010. C’est un souvenir que je garderai toute ma vie tant ce chemin m’a apporté dans bien des domaines!
    Je me rappelle avoir dormi au « domaine du possible », j’avais trouvé les chambres incroyablement confortables, il y avait même un siège dans la douche , bonheur suprême après une longue journée de marche!
    Aujourd’hui je ne pense qu’à repartir , tout en sachant que je ne saurais me libérer a nouveau pendant deux mois avant longtemps, alors ce n’est pas pour tout de suite… Mais l’occasion viendra au moment opportun !
    Merci encore pour votre témoignage qui me fait un peu revivre mon propre chemin. Je souhaite a tous vos lecteurs de marcher un jour vers Compostelle, c’est un bonheur quotidien insoupçonné et vraiment total…

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  3. Montréal
    La beauté par l’histoire, sans doute. Je disais ici que le terme PLUS beau ne m’apparaissait pas surtout en référence à d’autres PLUS beaux villages traversés sur le Chemin.

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  4. Sublime
    C’est le terme employé par la dame. Il y a des choses qu’on ne comprend vraiment que lorsqu’on les a vécues. Si j’ai l’occasion de le faire je vous dirai si c’est le mot approprié ou si un autre s’impose à moi….

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  5. Re: Escoubet
    Oups… Oublié : « il paraît que c’est sublime de fermer la porte de sa maison en se disant je pars à Compostelle. » Le terme sublime m’échappe totalement pour ce genre d’événement… Il faudra m’expliquer. Il faudra que je tende une oreille ouverte !

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  6. Re: Escoubet
    J’ai fait autrefois une grande tournée d’un nombre de « Montréal » de France en hommage familial au Montréal Québecois. Il y a de fort beaux villages qui sont beaux de par leur lien avec celui d’Outre-Atlantique, ils sont beaux de par leur histoire. A mon humble avis ;o)

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