De Laza à Xunqueira de Ambia : 34 km

De Laza à Xunqueira de Ambia : 34 km

Sur La via de la Plata, de Séville à Santiago de Compostelle

24e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 166 kilomètres
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Laza, samedi 25 septembre.
8h, je quitte l’auberge le ventre vide, personne n’ayant réussi à faire fonctionner la plaque vitro-céramique. J’espère qu’il y a un café ouvert en ville car le guide annonce un dénivelé de 10 % juste avant A Albergueria, 500 m à gravir sur 5 km. Pas question de le faire à jeun. Dans le dortoir nous étions cinq, le couple allemand, le couple espagnol et moi, Heidi ayant dormi dans le dortoir réservé aux femmes. Le monsieur allemand a ronflé comme un ténor toute la nuit et, est-ce la cause ? je n’ai pas cessé de cauchemarder ; je me souviens notamment qu’un énorme cobra voulait me bouffer, une histoire de fou. Donc direction Xunqueira de Ambia à 32 km, Heidi prévoit de s’arrêter plus tôt, la montée l’inquiète.

8h20 je sors du café qui nous avait déjà accueillis hier soir ; nous nous y sommes tous retrouvés. La conversation a tourné autour de cette fameuse côte qui effraie tout le monde. A mon avis il suffit de prendre son temps, mais peut-être que comme d’habitude je suis un petit peu optimiste. Il fait frais, mais c’est supportable, ce qui n’a pas l’air d’être le cas à Auffargis car Hélène m’a envoyé un « SOS mise en route chauffage ».

Une fois sorti de la ville, le froid se fait beaucoup plus présent et mes bras et mains sont gelés ; j’ai même du mal à articuler et à entretenir une conversation avec mon dictaphone. Arnaud sera vraisemblablement ce soir à Ourense où il devrait trouver une carte mémoire pour son appareil, c’est vrai que demain dimanche il aurait encore été bredouille. Pas de regret, je n’aurais pas pu suivre ; je ne sais pas si ce sont les antibiotiques mais je suis à la fois en forme et vidé. Et puis cela m’a permis de rencontrer Heidi. Elle a appris le français à l’école et connaît du Beaudelaire comme certains, ce n’est pas mon cas, se rappellent les récitations apprises enfant. Elle pratique yoga et zen et a expérimenté quelques philosophies ainsi que plusieurs types de méditations, le Vipasana qui m’avait tenté un moment ainsi que d’autres avec ces noms exotiques que j’ai toujours du mal à mémoriser. Elle avait commencé ce Chemin au printemps, mais avait dû abandonner à Zamora suite à un gros problème au pied. Elle a repris cet automne, là où elle s’était arrêtée, mais apparemment son pied lui cause à nouveau des soucis.

9h35 j’entre dans Tamicelas au pied de la fameuse pente. En chemin j’ai été dépassé par deux Espagnols qui au vu de leur équipement sont plutôt des randonneurs du week-end. Il fait beau, pas un nuage. Si au début de ce voyage je fuyais le soleil maintenant j’aimerais qu’il soit un peu plus actif et réchauffe mes doigts gourds ; j’ai quand même enlevé le justaucorps coupe-vent en prévision de la suée à venir. C’est parti, ça grimpe.

En routePèlerins Espagnols
Ça grimpeLe chemin parcouru

10h45 ce n’était pas aussi méchant qu’annoncé. A mi-pente j’avais rattrapé les Espagnols qui à leur tour enlevaient toutes les pelures qu’ils avaient sur le dos, un peu plus loin ils m’avaient redoublé. Tout esprit de compétition, toute notion de temps abandonnés, j’avais maintenu le bon rythme celui qui laissait mon esprit libre de penser à tout autre chose que cette côte. A vrai dire il y en avait eu des plus raides les jours précédents, mais peut-être n’étaient-elles pas aussi longues. En fin d’étape, comme a dû le faire Arnaud, cela aurait été sûrement plus difficile.

Le Chemin - Ça se calmeSur la route on marche à gauche

10h55 j’entre dans A Albergueria. Je vais faire une pause au « El Rincon del peregrino » aussi appelé plus sobrement « El Rincon » (Le coin) où le patron offre à chaque consommateur une coquille à son nom puis la suspend parmi des milliers d’autres au plafond. Il a trouvé le truc pour faire marcher son business et en plus il est sympathique ce qui ne peut qu’arranger les choses.

11h30 je reprends la route. En terrasse, au soleil, en compagnie des deux Espagnols, j’ai dégusté un café avec un sandwich au jambon servi sous la forme d’une corbeille de pain et d’une assiette pleine de petites tranches de jambon cru. Eux débutent leur périple vers Saint-Jacques qu’ils comptent atteindre en six jours. Ce soir on devrait se retrouver. J’ai donc eu droit à ma coquille et à un tampon sur ma crédentiale. Sur le livre d’or, à la date d’hier, il y avait un message en français avec une signature illisible que j’ai supposais être celle d’Arnaud. J’ai ajouté mon petit mot. Il fait très beau, toujours un peu frais, on est quand même à 900 m.

En CheminEn Chemin

12h50 j’entre dans Vilar do Barrio où on arrive en traversant d’abord un plateau désertique puis une descente assez raide qui à nouveau m’a déclenché ce reflexe pavlovien de trouille. On est désormais sur les bords d’une jolie plaine, il fait très beau avec toujours un petit peu de vent. Une bien belle étape.

Mélanges de stylesRécolte des pommes de terre

13h40 je sors de Boveda, un village très en longueur avec de nombreux horreos, ces greniers à grain typiques de la Galice, au milieu de vieilles maisons, mélangées comme d’habitude aux neuves. J’avais prévu de faire une pause dans le bar annoncé par mon guide, mais peut-être n’était-il pas directement sur le Camino, je ne l’ai pas trouvé. Dans le lointain on voit les montagnes et sur un pic une sorte de donjon.

PaysageHorreos
La plaineLa plaine

14h30 toujours pas de bar, je me suis décidé à faire la pause casse-croûte avec les moyens du bord, assis à l’ombre, le dos appuyé contre un chêne, mais le vent froid rend la halte inconfortable, j’avale en vitesse ma dernière pêche et trois petits Prince que j’avais achetés en prévision des petits déjeuners (certains disent que le Chemin nous renvoie à l’adolescence, là c’est carrément l’enfance !). Il reste une dizaine de kilomètres, donc de 2 à 2 heures 30 de marche.

 

Après Bobadela, le trajet qui jusqu’ici traversait la plaine par de longues lignes droites souvent ombragées, balayées par un vent apportant parfois de savoureux parfums de lisier, recommence à monter par d’agréables petits chemins bordés de vieilles pierres et de vieux arbres pour atteindre une lande sur un plateau parsemé de gros rochers. Le sol est souvent raviné par les vélos qui sont nombreux sur cette portion. Les cyclistes qui m’ont doublé doivent simplement profiter du week-end, leur sac à dos était minuscule. Dans les villages traversés, notamment à Padroso et Cima de Vila, les horreos entiers ou en ruines pullulent. Puis cela redescend par un sentier ombragé qui m’amène, à 16h40, à l’auberge de Xunqueira de Ambia. Elle est ultra moderne, recouverte de plaques de métal, qui je m’en apercevrai plus tard, ne facilitent pas les échanges téléphoniques.

Le plateauRocailles
Le cheminTentation

Le soir, après la routine d’arrivée au port dont un petit tour de ville, je m’installe dans un café qui propose un menu pèlerin. Pour dessert on m’apporte une énorme grappe de raisin d’au moins une livre. Un régal. Pendant que je mangeais on aménageait de grandes tables en prévision sans doute d’un repas festif, pour plus tard, à l’heure espagnole, après le passage des pèlerins, enfin du pèlerin car je ne sais pas où sont passés les autres.

A l’auberge nous sommes huit. Un autre solitaire, peu bavard, les Espagnols du Rincon, deux cyclistes et un jeune couple d’Espagnols arrivés juste avant la fermeture, complètement surexcités, amenés ici en voiture par leurs parents.

Je ne sais pas si j’ai une sale gueule, je veux dire fatiguée, ou si j’ai un je ne sais quoi d’illuminé, mais tout le monde est très gentil avec moi, attentionné, que ce soit au restaurant ou à l’auberge, y compris ces deux jeunes pleins d’énergie. En tous cas cela ne peut pas faire de mal. Cette nuit je ne devrais pas avoir de cauchemar.

 

 
828 kilomètres parcourus depuis Séville
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6 réflexions au sujet de “De Laza à Xunqueira de Ambia : 34 km”

  1. Pour Carine
    Bonne chance pour votre prochain départ.
    Pour ce qui est du sac de couchage en Espagne, vous savez que dans la plupart des auberges aucune couverture n’est fournie. Donc c’est à vous de voir en fonction de votre expérience et de votre tolérance au froid. Déjà la première nuit à Ronceveau peut-être une épreuve, elle le fut pour moi, mais peut-être suis-je un peu douillet.
    Merci pour vos vœux et recevez les miens en retour.

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  2. Pour Anne
    Bonjour,
    Merci pour vos vœux. Recevez les miens en échange.
    Espérons que cette impulsion va me conduire rapidement à la conclusion de ce périple.
    Amitiés

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  3. suite?
    Comme toujours le récit me fait rêver, j’attends avec impatience l’arrivée
    Après un arrêt pour cause de genou à Figeac au départ du Puy, puis une autre à Navarrenx pour cause de pieds, maintenant que j’ai un genou tout en titane et des semelles pour les pieds, j’espère que nous partirons en avril pour terminer d’une traite ce que nous avons commencé!
    Pierre, pensez vous qu’il faut s’encombrer d’un sac de couchage pour l’Espagne?
    Je pense et repense que mon sac en soie peut suffire, histoire de ne pas alourdir le sac?
    Merci de votre réponse et à bientôt pour vous lire
    NB Bonne année à vous et que vos projets se réalisent…………..

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  4. Re: De Laza à Xunqueira de Ambia : 34 km
    Mes meilleurs voeux de bonne et heureuse année, Pierre, pour vous-même et tous vos proches.
    Qu’ elle voit la réalisation de vos attentes les plus profondes.
    Et pourquoi pas un nouveau Camino où s’ harmoniseront l’ intériorité et les vastes horizons ?
    En attendant une belle et bonne arrivée, sur le blog, à Santiago : il ne reste plus beaucoup d’ étapes 😉
    Anne

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