De A Gudiña à Laza : 34 km

De A Gudiña à Laza : 34 km

Sur La via de la Plata, de Séville à Santiago de Compostelle

23e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 200 kilomètres
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A Gudiña, vendredi 24 septembre.
Un peu avant 8h30 je décolle de l’auberge. J’ai dormi comme un loir jusqu’à 7h45, Arnaud partait. Je suis pratiquement le dernier, il ne reste plus que René qui va se contenter d’une étape d’une vingtaine de kilomètres, enfin hier il avait déjà dit ça et nous avait quand même rejoint ici.

Il y a deux itinéraires possibles : un par la vallée, plus long, et un par la crête, un peu plus sportif, mais plus court et réputé plus intéressant. La borne de bifurcation au centre du village indique Santiago par Laza 195 km et 228 par Verin. Une journée de marche de différence. Donc ce sera Laza à 34 km.

Il fait beau, c’est assez couvert, mais heureusement il ne pleut pas et le point de vue sur les deux vallées depuis la route de crête est dégagé. Le chemin emprunte une route goudronnée sur laquelle jusqu’à présent aucune voiture ne s’est manifestée. Arnaud est devant et compte dépasser Laza, il veut à son tour gagner des jours en prévision de la reprise du boulot, il va prendre le train pour rentrer et c’est toujours un peu compliqué depuis Santiago. Juste après Laza le guide annonce une côte très raide à laquelle je ne préfère pas m’attaquer en fin de journée, je vais être raisonnable, je le laisse filer. C’est le Chemin. Parfois l’un était 500 m devant l’autre puis on se retrouvait à l’occasion d’une pause ou dans un village. Pas besoin de parler, juste le plaisir de partager l’instant et de se sentir en phase. Ce sera un bon souvenir. En plus je n’avance pas, je passe mon temps à prendre des photos. Pas un jour à établir un record. Au loin j’aperçois le premier village A Venda do Espiño.

Au loin A Venda do EspiñoVue sur la vallée

Les paysages sont magnifiques, c’est aussi ça la Galice. Bien sûr cela n’a rien à voir avec les plaines d’Estramadure, mais c’est sans doute un des attraits de la via de la Plata, la grande diversité des régions traversées, tous ces contrastes.

10h25 je viens de traverser ce premier village, comme dans la majorité des hameaux, et même des villes, cela semble désert quelque soit l’heure, je n’y ai aperçu qu’un seul habitant, un homme. C’est un mélange de maisons en grosses pierres dont la moitié sont en ruines, et de maisons en parpaings non crépis. Ma moyenne est vraiment faiblarde, pour une fois je profite.

A la sortie du village je croise une autochtone. Nous échangeons des « Buenos dias » et elle me lance avec un grand sourire un « Buen viaje », (bon voyage), qui semble dans cette région plus utilisé que le rituel « Buen camino ».

A Venda da Teresa je suis surpris par le nombre d’animaux, ânes, chevaux, porcs…, mais aussi par l’aspect misérable de l’ensemble. J’y rejoins puis dépasse Heidi. Devant moi un couple d’Espagnols. Des sortes d’embruns fouettent le visage, je ne sais pas si nous allons échapper à la pluie.

Au loin HeidiPèlerins espagnols
Barrage das PortasTraces d`incendies

A l’écart de A Venda da Capela une série de bâtiments en ruine évoquant des corons dominent le barrage Das Portas et rappellent que des ouvriers ont habité ici lors de sa construction. Le ciel est toujours menaçant, mais pas de pluie. Le paysage est splendide.

10h50 fin de la récré, il pleut, une petite pluie fine qui s’infiltre partout. Je mets la cape.

11h25 la pluie a cessé les nuages sont toujours bas, très présents, mais le soleil pointe son nez.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

Un peu avant Campobecerros je retrouve le couple d’Allemands. J’entre dans le bourg vers 12h30 après une descente très raide et ravinée dans laquelle le souvenir de ma chute m’a fait serrer les fesses. Il fait frais, les nuages ont pris de la hauteur. Prudent, j’ai gardé ma cape prête à servir sur le sac. En ville je m’offre une omelette au fromage accompagnée de tomates fraîches et d’un coca. Bientôt les Allemands me rejoignent. La tenancière du bar se plaint du trop petit nombre de pèlerins qui passent, elle ne s’en sort pas, ce matin à part nous elle n’a vu qu’un autre groupe, peut-être Arnaud. Elle me demande 5€ pour ma collation, ce qui est plus élevé que d’habitude : est-ce vraiment la bonne méthode pour survivre ? En repartant, le ciel a l’air moins menaçant, ma cape retrouve sa place dans le sac.

En CheminLe Chemin

Après Porto Camba je traverse une forêt de pins, ça sent bon. D’après le guide toute cette zone a été dévastée par des incendies et c’est vrai que jusqu’ici tout était pelé. Il fait beau, il y a du vent et ça descend.

Juste avant As Eiras les châtaigniers se mêlent aux conifères. Ici on retrouve encore les mêmes vieilles maisons mais beaucoup ont été retapées avec du béton et des moellons, signe de la proximité d’une ville plus importante. Enfin, il faut relativiser, la quête vaine d’Arnaud pour une carte mémoire donne une idée de la nature des villes ou villages traversés. Comme sur tous les Chemins, certaines étapes ne sont importantes qu’aux yeux du pèlerin qui y trouve un refuge. La géographie jacquaire n’a souvent rien à voir avec la géographie économique.

En CheminArrivée à Laza - Eglise San Xoan

16h05 j’entre dans Laza. Il fait beau. En dépit de la pluie et du goudron pratiquement tout le temps cette journée a été agréable. La longue descente depuis Portocomba était un peu monotone, mais n’a pas réussi à gommer l’effet de la splendeur des paysages du début de journée.

L’auberge est un peu excentrée et il faut d’abord passer par la Guardia civil pour s’inscrire. L’accueil y est très chaleureux. Sur le livre de bord je remarque qu’Arnaud s’est inscrit ainsi que plusieurs cyclistes. A-t-il quand même décidé de faire étape ici ?

Au gîte le gardien m’annonce que je suis le premier. Pas de cyclistes, pas d’Arnaud. Ils auront simplement voulu enrichir leur crédentiale d’un nouveau tampon. Nous nous retrouvons bientôt à six avec Heidi et les couples allemand et espagnol rencontrés en route.

Vers 19h30, après avoir appliqué la procédure habituelle, douche, lessive, repos, lecture, je descends en ville pour trouver un restaurant. Même s’il est un peu plus étendu que les précédents le village ne respire pas l’opulence. En route je retrouve Heidi qui s’est renseignée et nous dirige vers ce qui semble être le seul établissement pouvant nous alimenter à un prix correct. C’est minuscule et nous avons l’impression de manger dans la cuisine. Les Allemands sont déjà installés et tout naturellement nous nous dirigeons vers eux pour partager leur table, mais il nous disent qu’ils attendent le couple espagnol. En soit pas de problème, mais cela aurait pu être dit gentiment, nous nous sommes sentis évincés, en trop. Si la dame est toujours souriante et cordiale, lui fait par moment la gueule sans que l’on sache vraiment pourquoi. Bien sûr il y a peut-être cette bière que je lui doit, mais d’après Arnaud qui ignore ce détail, il voudrait toujours être en tête, le premier, et nous l’aurions vexé à plusieurs reprises en le doublant. Un gagneur.

Nous nous installons donc à une table à part, et c’est une vraie chance qui nous est donnée à Heidi et à moi pour nous découvrir, parler de nos façons de voir la vie. Celle d’Heidi a été bien remplie et l’a amenée d’Allemagne en Floride puis au Canada avant de revenir à la mère patrie. Chose exceptionnelle sur la via de la Plata, c’est son premier Chemin. Elle a accompagné un moment René qui pense que pour lui ce sera son dernier. Elle a cru comprendre, ce qui l’a beaucoup troublée, que ça ne lui déplairait pas d’y faire ses derniers pas.

 

 
794 kilomètres parcourus depuis Séville

8 réflexions au sujet de “De A Gudiña à Laza : 34 km”

  1. Pour Daniel et Evelyne
    Bonjour,
    Merci de m’accompagner, il est toujours agréable de pouvoir faire résonner ses souvenirs avec ceux des autres.
    Bonnes fêtes à vous aussi.

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  2. Pour Jean-Claude
    Te voilà plus à ton aise, dans ton élément, il y a des bosses et on est en Galice. Moi je rame, tu vois pourquoi le plat m’intéresse ;o)
    Au début j’étais en forme et le plat me plaisais bien aussi, c’est plutôt une question de goût. Le plat pour le plat n’a sûrement pas un grand intérêt, mais ici il y a l’ambiance, la chaleur, je me prends pour le capitaine Haddock avec son mouchoir noué sur la tête au milieu du désert, ou un coursier des mines du roi Salomon, … je peux rêver … tout en marchant un bon train. Je suis sans doute plus un routard qu’un montagnard.
    S’arrêter après la chute, j’y ai pensé un moment mais j’aurai tourné en rond surtout que c’est juste à ce moment qu’il s’est mis à pleuvoir…

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  3. souvenirs,souvenirs….
    nous te suivons avec toujours autant de plaisir sur ce chemin que nous avons parcouru en 2009départ le 2 mai de Séville) et nous retrouvons les lieux que tu as photograhiés.nous espérons la suite …..selon ta disponibilité.
    Bonnes fètes pour Noèl et le Nouvel An et nous te souhaitons encore beaucoup de Chemins à parcourir et à photographier……

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  4. Re: De A Gudiña à Laza : 34 km
    re-Bonjour Pierre,
    En effet c’est plus contrasté depuis ces derniers jours ; il y a de la dénivellation!…
    mais c’est sûr qu’en étant fatigué, blessé, et avec la dose de médicaments, c’est pénible!
    (je me serais arrêté 2 ou 3 jours.)

    Le chemin lassant sur du plat, c’est quand on est en forme!

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  5. Pour Anne
    Bonjour Anne,
    De cette aventure avez-vous retiré de belles photos ?
    A votre tour vous devriez écrire vos « mémoires » du Chemin, on s’y croirait.
    Cordialement
    Pierre

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  6. Re: De A Gudiña à Laza : 34 km
    Rebonjour Pierre,
    En lisant votre compte-rendu de cette étape, je retrouve intacte la frayeur que j’ y ai éprouvée.
    Après avoir fait des photos du lac, sur la droite, j’ ai quitté le chemin et suis partie sur la gauche, continuer les photos, au milieu des bruyères.
    Voulant m’ éviter de retourner sur mes pas, j’ ai continué ainsi, pensant retrouver le chemin plus bas.
    La hauteur et la profusion des bruyères devenaient de plus en plus conséquentes.
    Seuls les bâtons me permettaient de tâter le sol que je ne distinguais plus.
    Soudain, je me suis trouvée en aplomb du précipice, en éboulis, au-dessus de la voie ferrée, tout en bas.
    Me forçant à ne pas paniquer, encombrée du poids du sac, tombant à plusieurs reprises, j’ ai péniblement repris de la hauteur pour revenir sur mes pas et retrouver la petite route.
    Aujourd’ hui encore, y repenser me donne des frissons dans le dos…

    Encore une fois, vos photos sont superbes ! Mais comment faites-vous ??? !!!
    Anne

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