De Aldea del Cano à Caceres : 22 km

De Aldea del Cano à Caceres : 22 km

Sur La via de la Plata, de Séville à Santiago de Compostelle

 

9e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 684 kilomètres
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Aldea del Cano, vendredi 10 septembre.
7h20, je quitte l’auberge, Guy et Ramon m’ont précédé, il reste deux cyclistes arrivés hier soir vers 22h avec lesquels ce matin j’ai échangé quelques mots sympathiques. Il fait nuit, mais plus pour longtemps, je n’ai déjà plus besoin de lampe. Direction Càceres à environ 20 km, je devrais y être vers midi avec une priorité : trouver des lunettes.

Hier il faisait dans les 32° et il paraît qu’aujourd’hui cela va encore monter, mais la nuit a été fraîche et j’étais content de pouvoir me recouvrir de mon sac de couchage.

Ramon avait l’air sincèrement content de me revoir et j’avoue que c’est réciproque. On doit se retrouver à Càceres. Pourtant on baragouine à l’aide de trois langues et au final on n’échange pas de propos fondamentaux mais ces choses-là ne s’expliquent pas. Par contre avec Guy ça n’accroche pas du tout même si à chaque rencontre il est toujours plein de sollicitude. Peut-être se positionne-t-il trop en grand frère, ou plus simplement est-il trop sérieux. Lui va se contenter de traverser Càceres, il préfère revenir visiter en famille. Son périple se terminera à Salamanque où il doit être au plus tard dans une semaine.

Bloc de pierre pour faciliter le passage à guéLe Chemin

7h58 je viens de dépasser une pèlerine espagnole. Je l’avais croisée hier soir en arrivant dans le village, elle est de Saragosse, elle logeait à la casa rural. Elle est chargée comme un baudet. De loin on voit le sac plastique accroché à son sac à dos qui ballote de droite à gauche, ce qui donne l’impression qu’elle tortille du croupion, par ailleurs majestueux. Sur le bras gauche elle porte une grande gourde isotherme comme un bébé. C’est vrai que l’eau fraîche est plus agréable, mais même chaude, de l’eau c’est de l’eau et pour ma part je préfère ne pas m’encombrer.

Le CheminPetite ferme

Le ciel est parfaitement dégagé, le chemin serpente toujours autour de la nationale et de l’autoroute. Ce matin je me sens en forme, comme quoi 32 c’est vraiment beaucoup plus court que 48 et que cela permet de récupérer. Ramon m’a confié qu’il avait mal aux mollets, il faut dire qu’il fonce et que ce n’est que son troisième jour.

Le paysage est à peu près identique à celui des jours précédents. De temps en temps des groupes de cubes de granit décorent le Chemin, certains sont au fond d’un creux et doivent servir de guet à la saison des crues, d’autres semblent destinés à accueillir le postérieur des pèlerins fatigués, malheureusement ils sont souvent en plein soleil. Deux très beaux geais me croisent et volettent devant moi. De loin en loin des fouilles archéologiques rappellent la présence de l’ancienne voie romaine. En route le Chemin traverse un petit aérodrome : étrange contraste.

Pont romain avant ValdesalorQuelques cubes hospitaliers

Un peu avant 10h, je fais une pause à Valdesalor sur une jolie petite place avec eau potable.

11h30 je ne suis plus qu’à une demi-heure de Càceres. Comme souvent dans les pays chauds les senteurs sont très fortes, odeurs puissantes d’animaux, puanteurs des lisiers, mais aussi parfums des plantes sauvages, ici l’anis concurrence le délicat effluve de brebis entassées dans un coin d’enclos et qui, peureuses, se sauvent dès que j’approche pour les photographier .

Une belle bête !Brebis peureuses

13h30 ça y est, je suis dans une chambre de 4 places où pour le moment je suis seul. Aucun autre pèlerin ne s’est présenté à l’auberge de jeunesse de Càceres. Depuis l’entrée de la ville il m’a fallu plus d’une heure pour arriver ici, une vraie galère. Si les autres ont eu les mêmes difficultés cela ne m’étonne pas qu’ils ne soient pas encore là, peut-être même ont-ils renoncé et pris une chambre en ville. Pour pouvoir consulter mon guide j’ai trouvé une astuce, je photographie ce que je veux lire puis je zoome jusqu’à ce que cela devienne assez gros pour que je lise mot par mot en naviguant dans le texte, c’est laborieux mais mieux que rien. Les personnes auprès desquelles j’ai fini par demander mon chemin, qu’ils soient simple passant, policier ou facteur, m’envoyaient les uns à droite les autres à gauche, me faisant repasser plusieurs fois aux mêmes endroits. Enfin, victoire, sur une terrasse, au sommet d’un immeuble, trônait un édifice au nom prometteur de refugio, mais après en avoir fait plusieurs fois le tour force me fut de constater qu’il était fermé et apparemment depuis longtemps. Après un moment d’abattement et la tentation d’abandonner, je suis redescendu, entré dans un bar dont le patron m’a affirmé « mais si c’est là, il y a une entrée, vous n’avez pas bien cherché » pendant que ses yeux disaient « il faut vraiment être con pour ne pas trouver !» jusqu’à ce qu’un des clients me lance « Suivez-moi !» et me mette sur le bon chemin. En fait il suffisait de faire le tour du bâtiment sur le quel se dressait le fameux refuge pour accéder à l’auberge de jeunesse…

Le "refuge" de CaceresUn autre bolide ...

Bref, j’y suis. C’est grandiose, lit sans étage, il y a même la télé, 14 euros, tarif pèlerin. Je n’ai pas pris le supplément petit déjeuner le plus souvent anémique et puis à l’heure où je compte partir j’irai plutôt dans un bistrot. Je vais faire ma toilette, me reposer un peu puis visiter la ville et surtout me trouver des lunettes, de toute façon à cette heure-ci tout est fermé. Je n’ai toujours pas mangé !

18h. Alléluia, je vois. Après avoir arpenté la ville en attendant l’ouverture des magasins à 17h30 je me suis engouffré sur les talons de la personne qui ouvrait la grille d’une boutique d’opticien repérée auparavant. Une fois mon cas douloureux exposé au vendeur il m’a proposé de revenir dans deux heures, quand le patron serait là, pour prendre des mesures, etc… Apparemment je m’étais mal fait comprendre. Pas question que je reparte l’œil nu ! Dans un sabir anglo-espagnolo-français j’ai insisté et expliqué qu’en France il existait des lunettes toutes prêtes, « ready to use », pour les presbytes. Un collègue apparemment plus aguerri lui a indiqué un tiroir dont ont jailli des trésors parmi lesquels je n’ai plus eu qu’à choisir : quelques grammes peuvent vous changer la vie.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

Reste à faire quelques courses en prévision de l’étape de demain pour laquelle j’ai pris la décision de faire environ 50 km car les autres hébergements possibles me paraissent trop sommaires ou restreints : monsieur aime son confort. Puis me voilà sur la Plaza Mayor en plein travaux (Càceres est candidate au titre de « Capitale européenne de la culture » ce qui explique sans doute ce chantier) avec l’intention de m’offrir une bière puis de trouver un restaurant. Au milieu d’une grande animation provoquée par la sortie d’un mariage de la mairie, je scrute les terrasses en vue d’une place libre quand soudain on me tape sur l’épaule, c’est Ramon. Lui s’est offert une chambre à 28 euros dans un hôtel pratiquement sur la Plaza Mayor, mais en fait, une fois la topographie de la ville bien assimilée, l’auberge de jeunesse n’est pas non plus très loin d’ici.

Donc nous buvons une bière puis continuons par le repas. Sur les conseils de Ramon qui s’en était régalé récemment chez des amis, nous choisissons en entrée des « migas », un plat typique ancien, mélange de pain dur et jambon mais plutôt le gras du jambon. Cela me rappelle une sorte d’andouillette de couennes de lard mangée en Périgord. Honnêtement ce n’est pas plus fameux que là-bas. Puis c’est une truite avec son habituelle salade et en dessert une glace pour moi et pour lui une part de pastèque dont il mange tout, même les pépins ! Une excellente soirée.

Ramon m’a appris qu’en ville tous les monuments étaient fermés, ce qui m’a enlevé quelques remords car j’avais surtout passé mon temps à la recherche de nouvelles lunettes pendant que lui réservait son retour en bus. Chacun s’occupe comme il peut.

Après discussion et comparaison de nos guides, nous avons décidé de viser la Embalse de Alcantara où il y a une auberge moderne, en tous les cas plus récente que mon guide, à environ 35 km, distance beaucoup plus raisonnable que celle que j’envisageais.

21h55, je suis toujours le seul occupant de la chambre ce qui facilitera mon réveil à 5h30 pour éviter la grosse chaleur.

 

 
298 kilomètres parcourus depuis Séville

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