Sur La via de la Plata, de Séville à Santiago de Compostelle
Monesterio, lundi 6 septembre.
6h15 je viens de quitter l’hôtel, sans regret. Toute la nuit une climatisation s’est déclenchée périodiquement avec un bruit de roadster au démarrage et sans mes bouchons d’oreilles je serais probablement devenu fou. Quant au petit-déjeuner qui, du fait de mon départ matinal, m’attendait au bar dans un sac, il était des plus succincts : un petit gâteau à la confiture, un jus d’abricot et une poire que bien évidemment j’ai gardée pour la soif. Pas de danger que ma volonté faiblisse au contact de tout ce luxe spécial pèlerin. Donc direction Fuente de Cantos à 22 km et, si mon état le permet, je tenterai d’aller plus loin.
Jusqu’à présent le chemin est facile, large, éclairé par la lune posée comme un hamac dans le ciel. Tintement de clochettes, remue-ménage derrière les murets dénoncent la présence d’animaux ; quelques paysans au travail, phares allumés, me confirment d’un signe de la main que je suis dans la bonne direction. Subitement un renard se découpe en ombre chinoise sur l’horizon puis traverse le chemin devant moi.
Vers 7h30 le jour se lève. Le soleil s’élève, rouge, au dessus des monts et au loin derrière moi j’aperçois un château qui pourrait être celui de El Real de la Jara. Depuis Séville on est monté de 800 m et désormais on va redescendre d’à peu près autant jusqu’à Merida. Le paysage change, les chênes lièges sont devenus beaucoup plus petits et disparaissent peu à peu pour laisser la place à une sorte de garrigue.
Sans remettre en question le périple en cours je me demande si je vais continuer à faire ce genre d’expédition dans l’avenir. La grande fatigue de ces derniers jours n’est pas étrangère à cette interrogation. En plus cela me remet sur les traces du premier chemin ce qui n’est pas toujours facile. Il me faudra passer à autre chose, entreprendre d’autres expériences. Hier j’ai beaucoup lu. En ce moment je suis dans « La possibilité d’une île » de Michel Houellebecq. Les quelques interviews que j’ai vues de lui ne m’ont pas emballé mais en apercevant ce livre dans une boutique de l’aéroport j’y ai vu l’occasion de me faire une idée sur l’auteur en essayant de faire abstraction du personnage. Ses avis tranchés souvent proches de la méchanceté m’insupportent toujours autant, mais le côté délirant du sujet m’attire et les questions soulevées s’intègrent bien dans l’ambiance et le décor de ce voyage, y trouvent une résonance qui ne me laissent pas indifférent.
Le jour est désormais bien là. Au loin une ville qui devrait être Fuente de Cantos. Tout est pelé. Au printemps le vert domine probablement, mais depuis tout a été moissonné et les champs forment un vaste patchwork allant du brun foncé au jaune très clair avec quelques touches de vert apportées par de rares buissons et oliviers. J’aime beaucoup. Le soleil monte progressivement. Il n’y a pas d’arbre sur le chemin, mais enfin le but n’est plus si loin.
Juste avant Fuente je rejoins un petit groupe qui fait une pause, un Italien et un couple d’ Américains d’Arizona dont la dame, si j’ai bien compris, est d’origine anglaise. Je les avais déjà aperçus à la terrasse d’un café à El Real de la Raja où j’avais repéré qu’ils parlaient anglais. Ils vont à Santiago. Nous échangeons quelques considérations, rien de majeur.
Il est environ 11h30, je quitte Fuente de Cantos. Sans surprise j’ai décidé de continuer. Pas de bistrot, tout semblait fermé. Après avoir fait quelques courses je me suis posé sur un banc à l’ombre d’une petite chapelle à la sortie du village, ma première station assise de la journée. J’y ai dégusté la poire économisée ce matin, c’est bien le fruit qui convient quand elle n’est ni blette ni cotonneuse. Pendant que je me rafistolais les pieds, une petite ampoule ayant fait son apparition sous le pied droit, un garçon d’une dizaine d’années est venu me questionner sur le Chemin de Compostelle. Pas très évident avec mon espagnol rudimentaire, mais, patients l’un envers l’autre, nous avons fini par nous comprendre. Sans doute le meilleur moyen pour réapprendre l’espagnol. Le prochain village est à 6 km, j’espère y avoir plus de chance au niveau bistrot.
13h30, je quitte Calzadilla de los Barros. Avant d’arriver ici le chemin traversait des vignes. J’ai goûté : excellent, un raisin rouge, très sucré, je me suis même autorisé à en prendre une deuxième grappe un peu plus loin. Je deviens vraiment zen. Tous les sens sont sollicités : une subtile odeur de lisier nous accompagne à peu près partout. Comme dans la ville précédente tout avait l’air désert. La faim aidant, après avoir hésité devant plusieurs établissements, je me suis décidé à pousser la porte d’un bistrot qui semblait aussi hermétique que ses confrères. Elle s’est ouverte et à l’intérieur tout fonctionnait : une accueillante climatisation, l’inévitable télé et, heureusement, le bar ! L’émerveillement d’Ali Baba pénétrant dans la caverne. J’y ai consommé un sandwich à l’omelette française, c’est-à-dire à la pomme de terre, accompagné d’une bière sans alcool que le patron s’est empressé de me servir avec une assiette de patates à l’aïoli en guise d’amuse-gueule ! Pas de problème, je suis calé ! Le tout pour 5 €. Il m’aurait bien fallu un café pour enrayer une irrésistible torpeur digestive, mais, s’il y avait bien une machine à café, ils n’en servaient pas à cette heure là. C’est vrai qu’ici ce n’est même pas encore l’heure du déjeuner.
Bien sûr il fait chaud, mais à la différence des jours précédents je n’ai pas les jambes vides et je pense atteindre Zafra sans problème, en prenant mon temps.
17h15, je sors d’un bar de Puebla de Sancho Perez où j’ai pu prendre une bière fraîche et accessoirement sans alcool. Je voulais m’acheter de l’eau mais tout est fermé. En route je me suis arrêté deux fois, tranquillement, dans les vignes, sous un olivier. Je suis en forme. Il me tarde quand même d’arriver, cela finit par avoir un petit côté lassant et puis j’ai une ampoule un peu chaude sous un pied, mais rien de catastrophique. Il ne resterait plus que 4,5 km pour atteindre Zafra, dans une heure je devrais y être.
18h45, je suis à l’auberge de Zafra, une grande ville avec un beau centre historique. Je suis assez content de cette journée, j’en ai un peu plein les pattes, mais raisonnablement. Une étape agréable avec, contrairement à d’habitude, tous ces villages, toutes ces stations possibles, même si au bout du compte cela devient quelque peu onéreux. Par contre j’ai hérité d’une superbe ampoule dont la majeure partie a été crée par le pansement posé en cours de route, mais qui a glissé.
RE : hotel avec clim bruyante
Bonjour Patrice,
Il s’agit de l’hôtel Moya, mais peut-être qu’une chambre donnant sur la rue serait plus calme.
Buen Camino
Pierre
hotel avec clim bruyante
Bonsoir Pierre
Peut on savoir quel est le nom de l’hotel avec cette clim bruyante pour que je l’évite lors de ma future étape à Monesterio. Merci
Patrice
Pour Jean Claude
Chassez le naturel …
Re: De Monisterio à Zafra : 48 km
Oups!!! j’ai parlé trop vite hier à propos de 20km!
Et demain? surprise…
RE : appareil photo
Bonjour,
Content de vous retrouver ici.
L’appareil photo est un Lumix Panasonic DMC-FX35. Je l’avais acheté en 2008, il doit donc avoir des petits frères plus modernes.
Cordialement
appareil photo
vous seriez bien gentil de me donner la marque de votre appareil merci à l,avance