Vers Saint-Sauvant sur la voie de Tours – Mes Chemins de Compostelle

Mardi 1er septembre,
14e étape : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 1420 kilomètres

Saint-Sauvant
De Poitiers à Saint-Sauvant

8h45, il pleut légèrement, nous avons sorti les capes. C’est sur le parvis de Notre-Dame La Grande qui est fermée que nous nous séparons avec une certaine émotion, nous avons du mal à décoller. Claude part vers la gare, ce soir il sera de retour à Auffargis, moi je me laisse guider par une ligne rouge qui court sur le sol et qui est sensée me sortir de la ville en direction de Lusignan.

Hier soir nous avons profité de notre dernière soirée pour échanger encore quelques idées comme deux potaches. Ce matin quand nous nous sommes levés nos hôtes étaient déjà partis vers l’Alsace. Une fois récupéré notre linge propre et sec dans la machine à laver qu’ils avaient mise à notre disposition (de l’accueil 5 étoiles !) en route vers la cathédrale délaissée hier soir. Le ciel était couvert, menaçant : Claude a bien calculé son coup. Une fois rebroussé notre chemin d’hier le long du Clain, nous sommes passés devant le baptistère Saint-Jean, la cathédrale Saint-Pierre, pour atteindre Notre-Dame La Grande après avoir traversé la vieille ville presque déserte.

Je passe devant le Palais de Justice puis L’église Saint-Porchaire pour me retrouver sur une place que j’ai déjà traversée. Je tourne en rond. Il pleut désormais à verse. Je consulte mon guide dans le renfoncement d’une devanture : à un certain point il aurait fallu abandonner la ligne rouge pour la reprendre un peu plus loin. Sous l’emprise conjuguée d’un certain blues et d’une pluie torrentielle je me suis laissé embarqué. Je reviens sur mes pas et me réfugie dans Saint-Porchaire.

Il pleut sur Poitiers : 

 

La pluie c’est calmée, je repars. En fait en ce moment je suis un petit peu paumé dans tous les sens du terme. Aujourd’hui je me retrouve seul et des idées un moment éloignées me rejoignent. Un peu plus loin je retrouve la ligne rouge, c’est déjà ça. Pour le reste je vais réfléchir et méditer avec mes pieds. A côté de l’église Saint-Hilaire des restes hospitaliers me confirment que je suis sur la bonne voie. Je n’ai encore rien réservé pour ce soir.

12h20, au niveau de la Bouleterrie. Je suis sur des chemins herbeux, c’est enfin plus calme. Depuis ce matin beaucoup de pluie, beaucoup de marche sur les bas-côtés de routes souvent passantes. Je viens juste de quitter un agriculteur qui est arrivé en face de moi sur le chemin dans une camionnette. C’est un enthousiaste du Chemin dont il a fait des petits bouts, on en a discuté pendant plus d’une demi-heure en partageant nos expériences. Il m’a indiqué un restaurant ouvrier dans la zone industrielle avant Coulombiers, à environ 2 km ; il faut un peu sortir du chemin mais cela va faire mon affaire parce que je n’ai aucune provision et de toute façon je ne suis pas très tenté par un pique-nique sous la pluie.

13h30 je sors du restaurant. Un menu à 12,50 euros, très copieux comme d’habitude dans ce genre d’établissement : buffet pantagruélique, lapin haricots verts, fromage, gâteau (j’ai choisi un éclair au chocolat). On m’a installé face à un autre solitaire sur le point de partir. Je devais avoir l’air d’un martien en short, avec tout mon barda, mon chapeau et ma cape dégoulinants au milieu de tous ces travailleurs. Mais tout le monde a été accueillant et la patronne c’est montrée presque maternelle. Me voilà requinqué. Dehors il pleut toujours. Je suis environ à 2 km de Coulombiers que je rejoins par la Nationale,

14h je sors de Coulombiers, la pluie a cessé, je ne sais pas encore où je vais m’arrêter. Il y a encore 9 km jusqu’à Lusignan et après éventuellement je peux aller jusqu’à Saint-Sauvant qui est 10,8 km plus loin, donc environ 20km, soit près de 5 heures ce qui mène à 19h c’est peut-être un peu ambitieux. Avançons.

16h30 je quitte Lusignan que j’ai traversé par le centre historique en passant par les Halles pour arriver devant l’église, sous la pluie retrouvée. C’est là que j’ai rencontré Eugène, un Belge, qui fait le Chemin depuis chez lui. Il a commencé en avril mais à Poitiers il a dû abandonner : fracture de fatigue. Retour à la case départ, repos, consolidation et le voilà à nouveau sur le Chemin. Il reprend l’histoire là où il avait été obligé de l’interrompre, aujourd’hui il est reparti de Poitiers. Il a réservé son hébergement à Chenay chez les gens qui devaient l’accueillir lors de son premier essai (il tient au premier scénario !). Il a rendez-vous avec eux devant l’église ; ils vont venir le chercher. Demain il a prévu de faire Lusignan-Chenay où il couchera à nouveau chez eux. C’est pratique mais c’est un peu trop « organisé » à mon goût et puis deux nuits au même endroit … A chacun son Chemin.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

Pour ma part, à l’abri du porche de l’église j’ai réservé une place au refuge jacquaire de Saint-Sauvant. Il faut passer chercher les clés à l’épicerie qui ferme à 19h30. C’est faisable. Le soleil est revenu, il y a pas mal de ciel bleu, un peu de vent. Peut-être que pour cette dernière portion je vais échapper à la pluie.

18h15 me voilà à Saint-Sauvant à la grande surprise des épiciers qui ne m’attendaient pas si tôt. Le temps était idéal pour la marche et m’a donné des ailes et, comme souvent chez moi, le stress d’arriver trop tard m’a inutilement dopé. Le relais jacquaire est très agréable et très bien équipé avec même un jardin et ses chaises longues. J’aurais bien aimé partagé ce moment avec d’autres voyageurs mais j’y suis seul, même le propriétaire, Jean-Jacques, est absent. Je consulte le livre d’or. Il n’y a pas foule ces temps-ci. Je me sens bien, accueilli même s’il n’y a personne, j’ajoute un petit mot.

Le soir je m’offre une pizza-salade au bar-brasserie de la place de l’église, je suis tout seul dans une immense salle, à côté, au bar, quelques habitués fêtent un anniversaire qu’ils ont largement arrosé si je me fie aux échos qui me parviennent : au moins cela met un peu d’ambiance.

Je me sens en forme malgré ces 40 km. Je n’ai rien réservé pour demain, on verra bien, mais si je veux voyager au moindre coût ce sera vraisemblablement Melle où il y a un gîte d’étape.

418 kilomètres parcourus depuis Auffargis

 

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