Lundi 13 octobre,
49e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 252 kilomètres
Je quitte Rabanal del Camino. Il est 8h et encore une fois je suis jeté sur la route par des pèlerins pressés de se lever : il fait nuit. L’air est frais et il ya de la brume.
Le chemin monte tranquillement pour arriver vers 10h au pied de la Croix de Fer, la Cruz de Ferro, juste au moment où le soleil perce les nuages. C’est une croix minuscule, (vue d’en bas) surmontant un grand mât enfiché dans un monticule de cailloux. Au même titre que Guernica j’attendais de voir ce lieu mythique du Chemin : le spectacle avec la brume est à la hauteur de l’image que je m’en faisais.
On est sensé ajouter sa pierre, symbolisant ses efforts pendants le pèlerinage, au tas déjà constitué, une pierre apportée depuis chez soi et non pas ramassée en route ou à proximité. Une dame extrait de son sac une belle pierre, une agate, qui lui a été donnée par sa mère et la dépose parmi les autres. Si tout le monde respecte la tradition il doit y avoir là des cailloux du monde entier. Je n’ai rien apporté, avec mon prénom, il me suffit peut-être de m’asseoir un instant au pied de la croix ?
Il n’y a pas foule. Un couple d’Espagnols me propose de profiter de l’occasion et de me prendre en photo pour immortaliser l’instant. C’est à ce moment que surgit un groupe de Français avec à sa tête un homme coiffé d’un béret basque (il ne lui manque que la baguette de pain ! ) ; caméra pointée vers la croix il avance inexorablement pour réussir son travelling, se fichant éperdument de ma présence. Il passe devant moi et escalade le tas de pierres : la photo en solitaire sera pour une prochaine fois. Il y a des moments où on a honte de ses compatriotes.
La brume se dissipe complètement, il fait très beau. Après un plateau où se trouve le petit gîte de Manjin, la route redescend de façon assez raide par des chemins caillouteux. On va passer de 1500m à 500m en environ 15km. Les genoux souffrent. Le paysage change totalement, il y a de la bruyère et des genêts.
En route, à Riego de Ambros, je croise un pèlerin qui transporte ce que je crois être une guitare mais il me précise que c’est un oud. Là je rencontre un Allemand que j’avais croisé auparavant, il est effondré, sa femme l’a quitté et, pour ajouter à son malheur, elle est partie avec la carte de crédit. Le Chemin est quelquefois bien rude.
Environ 16h arrivée à Molinaseca, un joli village. L’auberge est située à la sortie de la ville. Elle est moderne, le dortoir est très spacieux et on peut y manger.
A table je me retrouve notamment avec un Anglais, quatre Allemands et deux Australiens. Au milieu du repas je reçois un SMS d’Hélène : Guillaume Depardieu est mort. J’accuse le coup, j’aimais bien cet acteur et ses ennuis de santé m’avaient touché. J’éprouve le besoin de partager cette mauvaise nouvelle : seul l’Anglais a vaguement entendu parler de lui, personne n’est ému, la conversation reprend.
Femme et Carte
Il est parfois util d’avoir chacun sa carte, même dans des cas moins extrêmes
Re: Molinaseca
La femme et la carte le même jour, ça fait tout de même beaucoup. Mais il parait que plaie d’argent n’est pas mortelle…