De Lichos à Ostabat – Chemin de Compostelle

Lundi 22 septembre,
28e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 865 kilomètres

Ostabat
De Lichos à Ostabat
Brumes matinales

Je quitte le gîte Lou Brousta  à Lichos un peu avant 8h.

Levé à 6h15 j’ai beaucoup discuté avec nos hôtes pendant le petit-déjeuner : désormais je prends mon temps. Il est peut-être un peu tard pour s’y mettre mais pas forcément trop tard.

Côté jambes, la gauche est impeccable et la droite avec son attelle à l’air de bien se comporter.

Destination Ostabat à moins de 30km, donc si je ne m’énerve pas on va y arriver d’autant plus que le profil n’est pas trop extravagant.

Brumes matinales

Il y a des brumes au dessus des champs de maïs et le ciel est légèrement couvert mais le soleil n’est pas loin derrière. Il fait frais et, comme j’ai sérieusement ralenti le rythme, j’ai presque froid.

Dans la région beaucoup d’élevages de pigeons, non pas dans des pigeonniers classiques, mais dans des abris qui ressemblent à des poulaillers. Je me demande s’ils sont là pour devenir des « pigeons aux petit pois » ou pour servir d’appât pour les palombes.

Pigeonnier

8h20 je viens de croiser une ferme à l’entrée de laquelle un panneau signale «… vous entrez au Pays Basque…bienvenue… » Martin que je retrouve là dit avec malice « C’est un mot de bienvenue ou un avertissement ? ».

Au sortir de la forêt très belle vue sur la vallée avec dans le fond, en grisé, les premiers contreforts des Pyrénées mais les grandes montagnes restent invisibles, cachées par la brume qui estompe les couleurs.

Campagne basque

Le maïs laisse la place aux prairies et à l’élevage. De temps en temps le chemin est accompagné par une bonne odeur de bouse. Progressivement la brume se lève,  le ciel est bleu mais avec beaucoup de gros nuages. En route le rouge basque est sur toutes les maisons ou presque, ce qui n’étonnera personne.

Maison basque

La sagesse m’aurait-elle enfin gagné ? J’ai ralenti pour me laisser doubler ! Il faut dire que nécessité oblige. Ca a pris un certain temps car l’autre marcheur du coup ralentissait à son tour pour ne pas me doubler. Mais je suis têtu : je me suis arrêté pour prendre une photo afin que la chose se fasse.

Pendant  près d’un quart d’heure un chien m’a suivi en hurlant à 10 m derrière mes mollets. C’est assez pénible, on se demande à quel moment il va les saisir. J’ai fait face et l’ai menacé de mon bâton. Au bout de la 3e tentative il a lâché prise si j’ose dire. Peut être était-il simplement sorti de son périmètre de surveillance.

Brebis

9h45 je viens de me faire doubler par le «traceur». Comme je le disais, il a un pantalon de ville avec le pli et l’ourlet, certes un petit peu froissé, mais un pantalon de ville.

Un peu plus de 10h15, je m’arrête pour faire une petite pause. D’habitude j’essaie de m’écarter du chemin dans un endroit tranquille mais par ici tout est clôturé. Je choisis un gros arbre qui m’offre son tronc confortable sur le bord du chemin. Il faut soulager mes pieds car il n’y a pas que le rythme et la durée de l’effort, il y a aussi le poids du sac. Quand on a un problème à une jambe on le sent : sans le sac pas de douleur, avec le sac la douleur est bien là.

Larribar-Sohapuru

En une demi-heure d’arrêt sur le bord de la route je ne verrai passer qu’un couple de marcheurs. Ce n’est pas la foule. En voyant ma jambe attelée le monsieur me dit que lui aussi a eu une tendinite. Je ne suis qu’une banalité ambulante. Peut-être que le Chemin apprend l’humilité, je n’en suis pas persuadé, mais au moins il remet les pendules à l’heure, il apprend à connaître ses limites. On s’aperçoit qu’on a tous des problèmes : pour l’un c’est le genou, pour un autre le dos, pour moi les chevilles… Il n’y a pas grand monde qui soit épargné. Ce matin ils sont aussi partis de Lichos et plus tôt que moi. Je croyais marcher lentement, je ne vais peut être pas encore assez lentement.

Un peu avant midi un panneau propose un raccourci par Uhart-Mix. Il fait économiser deux kilomètres et une montée importante mais il contourne la stèle de Gibraltar : ce n’est pas fondamental mais je trouve que c’est un lieu symbolique du Chemin où se rejoignent trois chemins, celui du Puy, celui de Vézelay et celui de Tours-Paris. Donc pas de raccourci, ma cheville devra s’y faire.

Larribar-Sohapuru

En temps normal je n’utilise les bâtons que dans les fortes pentes mais avec mon problème de chevilles je m’en sers dès que ça monte un peu en appuyant assez fortement avec les bras afin de soulager le poids sur les pieds. De plus ça donne un rythme relativement lent et stable qui évite les emballements nuisibles. Sur le plat, au contraire, je ne les utilise pas de peur d’induire une dynamique qui accélèrerait  mon rythme. Dans les descentes non plus d’ailleurs, là au contraire je freine autant que je peux pour éviter la douleur.

La Bidouze

12h15 Larribar-Sorhapuru ; bien qu’on soit sur des route minuscules le trafic s’intensifie comme toujours vers midi, d’autant plus que beaucoup de gens viennent chercher leurs enfants à l’école : il y a un attroupement de voitures devant une école minuscule au milieu de pas grand-chose ce doit être dû à la dispersion de l’habitat. Le ciel est de plus en plus couvert.

13h je suis devant la stèle de Gibraltar. J’ai failli la manquer tellement elle est petite. Un panneau indique le chemin de Vézelay. Je n’ai pas vu celui qui arrive de Tours mais il ne doit pas être bien loin.  Bon, rien de grandiose et, disons-le franchement, assez décevant. Je m’imaginais quelque chose de plus important mais en même temps je trouve ça émouvant, … j’aurais pu croiser quelqu’un arrivant de Vézelay. J’attends quelques minutes au cas où. Mais rien. Je repars. Fin de la séquence émotion.

La chapelle de Soyarza

13h35 je suis à la chapelle de Soyarza. Elle est minuscule. Une belle petite montée pour arriver ici mais ça valait vraiment le coup. La vue de part et d’autre est sensationnelle. Il y a une table d’orientation avec tous les sommets. Pic du Midi d’Ossau ? Je scrute l’horizon dans cette direction. Peut-être là-bas ? Mais .. avec la brume …difficile à dire. La vue est quand même magnifique avec une dominante verte et ce bleu-gris dans le fond, sans doute les Pyrénées.

Pause à la chapelle de Soyarza

Le long de la montée plusieurs groupes étaient arrêtés pour la pause du déjeuner. Autour de la chapelle quelques pèlerins font de même. Je me joins à eux. Surprise, l’un d’entre eux arrive de Bordeaux. A quelques minutes près nous aurions pu nous rejoindre à côté de la stèle. Il y a là aussi deux Québécois, Jean-Louis et Pascal.
Un randonneur repart, et sous l’effort de la remise à dos de son sac, lâche une flatulence. Aussitôt Jean-Louis demande à l’assemblée comment on appelle cela en France, parce qu’il profite de son séjour pour faire la collecte d’expressions typiquement françaises, spécialement dans les domaines un peu scabreux. Chacun essaye d’enrichir sa moisson : « lâcher une caisse », « cartonner », « flouser », « loufer »,…. En échange il nous signale qu’au Québec les « gosses » signifient les testicules et que « les foufounes » sont les fesses : une conversation avec des Québécois peut mener à certains quiproquos.  Enfin un vrai échange culturel !

Vue depuis la chapelle de Soyarza

Descente vers Ostabat. En route la chapelle d’Harambeltz est en cours de rénovation. Dans la forêt un panneau « Attention zone de palombières, merci de ne pas toucher aux câbles »  et d’étranges engins, comme des mangeoires reliées par des câbles à des échafaudages d’échelles et de plateformes. Toute une machinerie de guerre contre les palombes ?

Vue depuis la chapelle de Soyarza

15h je suis à Ostabat, village agréable, pas très grand mais avec une belle présence.

16h je quitte Ostabat sous quelques gouttes après avoir refait le plein en vue des agapes de demain : un demi-saucisson, une pomme, un paquet de biscuits aux figues et une pêche que j’ai dégustée sur place. Le gîte d’étape est 800 m plus loin dans une ferme, la ferme Gaineko Etxea.

Chapelle de Harambeltz

16h25, je suis dans ma chambre, pour le moment seul mais on m’a annoncé l’arrivée de trois Québécois. Le gîte en fait est immense, je ne sais pas combien ils peuvent accueillir de personnes. Par ailleurs c’est très propre, très fonctionnel : terrasse avec vue sur les Pyrénées, une douche pour 4, WC pour 4 dans la chambre.  En arrivant j’ai demandé s’il était possible d’avoir de la glace pour soigner ma cheville. Au ton un peu sec de l’hôtesse j’ai pensé que je devrais m’en passer. Toutes mes excuses ! A peine installé, la dame est arrivée avec un bol plein de glaçons. Elle n’était peut-être pas très accueillante mais en tout les cas elle est serviable : ne pas se fier aux apparences !

Palombière

Peu après arrivent les deux Québécois, Pascal et Jean-Louis. Ce dernier a une tendinite qui ressemble à la mienne. Lui, il soigne ça avec une bande, tout du moins il essaie. Vu mon enthousiasme pour cet appareil, il va essayer de se procurer une attelle. La dernière occupante est non pas Canadienne comme annoncé mais une Allemande, Régina, qui arrive à pied de Genève. Elle a franchi son 1000e kilomètre il y a quelques jours. Elle a eu un problème au genou ; elle a souffert pendant environ deux semaines avant de se décider à aller voir un kiné : en fait il était déboîté. C’est la chambre des éclopés !

Ostabat

Au repas nous sommes une quarantaine à table, une vraie usine. Il y a un chahut épouvantable avec toutes les conversations qui montent en puissance avec d’abord un apéritif puis le vin à volonté. C’est assourdissant et on a du mal à se parler, les différences de langues n’arrangeant rien. Circonstances aggravantes il y a des groupes, ce qui génère toujours un niveau sonore important, et pour beaucoup c’est leur dernière nuit en gîte : demain ils reprendront le train à Saint-Jean-Pied-de-Port. Il y aura des chants basques et des chansons que le patron fera reprendre en chœur : « Elle descend de la montagne à cheval», « Ce n’est qu’un au revoir »…

Ostabat
 

Au milieu de cette ambiance de colonie de vacances un pèlerin évoquera sa fille handicapée et s’interrogera sur la volonté de Dieu ;  il espérait que le Chemin lui apporterait une réponse. Le repas est interminable, commencé vers 19h  il se termine  vers 22h, l’habitude des couchers tôt aidant je somnole.

Demain Saint-Jean-Pied-de-Port, dernière étape en France, j’ai réservé au gîte d’étape « Le Chemin vers l’étoile ».

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle
En montant vers la chapelle de Soyarza
726 kilomètres parcourus depuis le Puy-en-Velay

 

4 réflexions au sujet de “De Lichos à Ostabat – Chemin de Compostelle”

  1. Re: Ostabat
    Finalement, quelle est la drogue des grands marcheurs et qu’est-ce qui les fait marcher (ou courir)? L’aventure, le besoin de se surpasser, souffrir et se faire mal… Non, non, Pierre, je n’ai pas dit que tu étais maso 🙂

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  2. Rouge basque
    Rouge basque, même sur le dos d’un mouton, j’adore ! Chez moi pas de basques mais le même rouge, le plus possible :o)

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