De Limogne-en-Quercy à Cahors – Chemin de Compostelle

Vendredi 5 septembre,
11e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 1246 kilomètres

Cahors
De Limogne-en-Quercy à Cahors
Cheminée chez Marie la belge

8h30, départ de Limogne. Accueil très, très sympathique, très chaleureux de Marie la Belge, apparemment une célébrité sur le Chemin. Comme promis elle a séché mon linge. J’ai une longue étape devant moi mais la bonne ambiance me rend nonchalant. Hier soir nous n’étions que cinq, ce soir elle en attend 19.

Il fait très beau avec un petit voile de nuage par-ci, par-là, ce devrait être très bien, peut-être même un petit peu chaud pour la marche.

Ma jambe n’est pas nickel,  je vais voir jusqu’où je peux aller.

Je fais un détour par le « beau lavoir de Limogne » comme dit Marie la Belge. Avant, le GR passait devant, maintenant il n‘y passe plus. Il semble que le GR soit l’enjeu d’influences politiques, son tracé s’élaborant en fonction soit des gîtes des copains soit des gîtes financés par les conseils municipaux ou le Conseil Général.

Lavoir de Limogne

9h15, je sors enfin de Limogne, le détour par le lavoir plus quelques fautes d’inattention m’ont fait perdre un temps considérable alors que ce n’est vraiment pas le jour.

Je contourne Varraire. Juste avant la bifurcation je rejoins mes compagnons de chambrée. Ils me conseillent des applications d’argile verte pour soigner mon début de tendinite et me disent qu’il serait plus sage de m’arrêter  au couvent de Vaylats pour me faire bichonner par les sœurs qui paraît-il sont très accueillantes. La proposition est tentante mais je préfère continuer : je vise Cahors où  s’il le faut je pourrai trouver docteur, pharmacie, kiné…En route les chemins sont agréables mais toujours un peu monotones, pas de grande déclivité, pratiquement plat. Il fait beau, mais on ne ressent pas les effets du soleil : il y a quelques nuages étirés et du vent, parfois un petit peu fort d’ailleurs.

12h30, je me suis arrêté dans un champ un peu après la bifurcation vers Vaylats. Ma guibolle me fait assez mal et je ne sais pas jusqu’où je vais pouvoir aller comme ça.  Dans un moment de renoncement j’appelle le gîte  le plus proche au Mas de Ver : je tombe sur un répondeur, je laisse un message. Je casse la croûte, je pommade, on verra bien.

Dolmen de Joncas

13h10, je re-décolle il fait très chaud, il y a du vent : ma jambe à l’air de fonctionner.

Voilà plus d’une heure que je marche depuis la pause et la douleur est supportable. En fait j’ai remarqué que l’avant de la jambe était enflé au dessus de la chaussette, j’ai donc enlevé les guêtres et déroulé les chaussettes, depuis ça va beaucoup mieux, j’ai repris un rythme normal. Je passe devant le sentier qui mène au gîte que j’avais contacté. Il n’a pas rappelé : ça doit être un signe du destin, je continue. (En fait j’aurai un message ce soir sur mon répondeur : il y avait de la place. Trop tard !)

La route est assez monotone, ce n’est pas que ça ne soit pas joli, mais c’est toujours pareil, presque rectiligne et quasiment plat avec du  maquis à droite et du maquis à gauche qui cache le paysage. En fait, d’après le guide, c’est une ancienne voie romaine. L’avantage c’est d’être souvent à l’ombre et donc de pouvoir bien avancer. En ce moment je n’ai pas besoin de difficultés supplémentaires.

Ancienne voie romaine

Il y a quelques minutes je suis passé au-dessus de l’autoroute. C’est un symbole qui est tout à fait à l’opposé de l’esprit du Chemin de Saint-Jacques de Compostelle et pourtant ça m’a fait plaisir car je savais qu’à ce point il ne me restait plus que 10 km pour atteindre Cahors. Plus que 10 km ! Quelle jolie musique quand on vient d’en faire 30. Pourtant je sais qu’il me faudra encore au moins 2h et demie pour les franchir.

En route je m’arrête plusieurs fois pour pommader ma cheville. Pour faire bon poids je prends une Aspirine.

Un peu avant Flaujacs-Poujols le stade a mis de l’eau à la disposition des pèlerins : qu’il en soit béni (je commence à pratiquer le vocabulaire du Chemin). Parti avec un litre et demie je n’avais plu une goutte, là j’ai refait le plein. Il n’y a pratiquement jamais d’eau sur le parcours, pas de fontaine, rien. Du côté du Puy il y en avait toujours : soit des fontaines publiques soit des robinets mis à disposition par des particuliers. Ici rien. Sans doute est-ce dû à la rareté de l’eau. Toujours est-il que me voilà réhydraté.

Pour me donner du courage je sifflote des petites rengaines dans ma tête
Chemin sur le plateau

La dernière heure est toujours interminable. Ce n’est pas une question de fatigue c’est juste qu’on se croit arrivé mais ce n’est pas du tout le cas. 4km ça sent l’écurie mais ce n’est pas l’écurie, qu’il soit 16h ou 19h. En plus on traverse un plateau dénudé, rien, un peu d’herbe sèche, des petits arbustes et plein de chemins qui partent dans tous les sens. On ne sait jamais vraiment si on a pris le bon. Le ciel s’assombrit, et il reste à peu près 3 bornes mais, espoir, j’ai entraperçu un coin de Cahors, sauf erreur. Ma jambe se fait presqu’oublier. Si ce n’était qu’un problème de chaussette et de guêtre ce serait inespéré. A voir demain.

La descente sur Cahors, très raide, est très éprouvante pour ma jambe. J’essaye de descendre en marche arrière mais ce n’est pas la solution. Il va falloir que je reste au moins une journée pour essayer de réparer tout ça.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

J’arrive à l’auberge de jeunesse à 19h : ouf ! Dans la chambrée il y a un jeune Allemand, Marcus, qui a exactement le même problème que moi. Il a vu un toubib qui lui a dit que ce n’était pas une tendinite mais plutôt un problème d’inflammation de l’os du péroné dû peut être à un insecte. Il est au repos depuis plusieurs jours. Un de ses copains, Sébastien, l’a rejoint pour faire un bout de chemin avec lui mais du coup le pauvre tourne un peu en rond.  On va manger tous les trois  Marcus parle couramment le français et Sébastien pas grand-chose mais on arrive à bien échanger dans une bonne ambiance.

Cahors, la cathédrale

Bon je vais aller me coucher car je fatigue un petit peu et je vais essayer de reposer mes guibolles, enfin ma guibolle. Il a plu un petit peu vers 20h mais ça n’a pas duré.

Samedi 6 septembre, environ 10h. Il pleut, il paraît que demain ce sera mieux. J’ai décidé de rester pour donner à ma cheville une petite chance de se reposer.

Cahors, le cloître

Dans la chambrée pas de surpopulation : quatre pour 5 lits superposés. Un de mes coturnes est parti tôt, les Allemands eux viennent seulement de descendre prendre leur petit-déjeuner : c’est vrai que rien ne nous presse, on est au repos. A propos de déjeuner, les Allemands se sont arrêtés chez Marie la belge : ce n’était pas une blague, il n’était que quatre, ils n’ont pas eu de petit-déjeuner !

L’auberge de jeunesse est très vétuste. Nous sommes au 3éme étage, des étages très haut, comme dans les immeubles anciens, ce qui n’est pas forcément la meilleure thérapie pour des éclopés. Par contre c’est vraiment au centre ville, à 300 m du pont Valentré et à 300 m des commerces et de la vielle ville.

Ce matin je suis resté consciencieusement allongé pendant deux heures avec un emplâtre d’argile verte achetée auprès d’une pharmacienne très sceptique. A vrai dire ça n’a pas fait grand-chose.

Ensuite j’ai été en ville pour manger et au passage j’ai visité la cathédrale qui est très intéressante notamment avec ses murs peints comme il y en a dans toute la région, ainsi que le cloître. J’y ai retrouvé le couple qui était hier chez Marie la Belge. Ils étaient dégoulinants de pluie (j’ai bien choisi mon jour d’arrêt !). L’homme a dû abandonner l’année dernière à cause du même souci que moi. C’était dû, semble-t-il, à une chaussure trop serrée. J’ai remarqué que l’arnica me soulageait beaucoup, je vais donc insister dans ce sens. Espérons. Je rencontrerai à plusieurs reprises ce couple jusqu’à Saint-Jacques, à chaque fois ils qui m’accueilleront avec un « Comment ça va ? » en regardant ma cheville. Apostrophe quelquefois un peu irritante par sa monotonie mais toujours dite avec un réel intérêt même plus d’un mois après cette rencontre.

Cahors, dans la cathédrale

Dans la cathédrale je retrouve également Henri qui y fait un petit tour en attendant son train. Il me parle tout de suite de ses performances en termes de vitesse : il aurait fait un peu plus de 5km à l’heure. Nous avons vraiment des objectifs tout à fait différents, lui c’est la vitesse et moi la distance. C’est ça la diversité ! On décide de se revoir quand je passerai par Bordeaux, et de se tutoyer, ce que nous n’avions pas fait pendant nos trois jours de marche commune. Ce qui est étonnant c’est la synchronisation de cette rencontre : j’allais quitter la cathédrale quand Henri est rentré. A cinq minutes près on ne se revoyait pas…

Il est agréable de se promener dans la vieille ville de Cahors avec ses maisons anciennes même si beaucoup ont un air délabré. Dans une petite rue je croise mon ami le « fou de Dieu » toujours aussi pressé.

Je me sens dans une bulle, ma bulle, la bulle du Chemin. A un moment  j’ai cru que je n’avais plus mal à la cheville, j’étais carrément euphorique. Bon, là je tempère un peu : ça va mieux mais ce n’est pas encore le top. Un deuxième emplâtre s’impose.

Dans les rues de Cahors

Bientôt 16h sur le pont Valentré. Il fait très beau, il y a quelques instants il pleuvait. Je trimbale ma cape dans un petit sac en plastique, comme un sac à provision. Toujours pour alléger mon sac à dos, j’ai renoncé à prendre un anorak ou un coupe-vent. Je n’ai donc que ma cape en cas de pluie. De plus je n’ai pas pris sa housse, cette fois-ci non pas pour le poids mais pour m’éviter la manœuvre exaspérante qui consiste à la rouler puis à la faire entrer de force dans une house que je trouve toujours manifestement trop petite. J’ai remplacé la housse par un vulgaire sac en plastique où elle s’ébat à l’aise et où je peux la transporter entre deux averses. J’ai fait de même avec la housse du sac de couchage : quelques minutes de gagnées chaque matin.

Arrivé à la chambre je retrouve Jacques que j’ai rencontré hier à côté du dolmen de Joncas. Lui aussi je le croiserai souvent sur le Chemin jusqu’à Compostelle.

20h, je sors du restaurant le Lamparo, très efficace, je me suis régalé. Je refais le plein avant de reprendre la route car j’ai décidé de continuer : demain je vais à Montcuq , (je vous fais grâce de tous les jeux de mots qu’inspire le nom de cette ville) au gîte d’étape le Souleillou. Ce sera une étape de 32 km. J’espère que la jambe va tenir. Pour la ménager je voulais m’arrêter à Lascabannes ( 23 km) mais le gîte était complet : un groupe a tout réservé. Ce sera souvent le cas, quand un groupe débarque, les individuels se retrouvent à la rue et donc contraints de marcher un peu plus.

Cahors, les jardins de la cathédrale
346 kilomètres parcourus depuis le Puy-en-Velay

 

 

4 réflexions au sujet de “De Limogne-en-Quercy à Cahors – Chemin de Compostelle”

  1. étape précédente
    Pierre je t’assure que je sentais ta douleur à la cheville, quand j’ai un peu mal sur le dessus du pied je traine la patte, alors toi et tous ces km à faire…. Je me précipite sur l’étape suivante pour savoir si tes soins ont été efficaces et si tu as repris des forces.
    susie

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  2. Re: Cahors
    Salut Pierre. 41 kilomètres avec un pied qui fait mal, faut le faire. Et bravo pour la rengaine stimulante… mais ça doit devenir un peu obsédant à la longue.

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