Vendredi 29 août,
4e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 1459 kilomètres.
Départ d’Aumont-Aubrac un peu avant 8 heures. Il fait très beau, ciel bleu, un petit peu frais pour le moment. Il y a de la brume sur les champs. Je suis en chemisette : je serai rapidement réchauffé.
Le chemin circule entre les pins, il n’y a pratiquement pas de relief. C’est très agréable.
Il est 9 heures, je viens de passer La Chasse-de-Peyre. Le soleil commence à taper un peu. Au sol des traces de bouses fraîches. Le silence. De temps en temps un meuglement. Un petit bruit d’oiseau. Si le soir, il faut bien l’avouer, j’ai un peu de mal à marcher, le matin après une bonne nuit de repos tout repart. Le sac ne pèse pas, j’ai un bon rythme. On dirait qu’on pourrait continuer pendant des kilomètres.
Pour le moment je n’ai vu que deux randonneurs que j’ai dépassés. Sinon personne devant et plus personne derrière. C’est vraiment la route seul. Je ne sais pas d’ailleurs où ils sont passés car le dortoir hier soir était presque plein.
A Labros je croise une vieille dame assise sur un muret au bord de la route qui me dit compter les marcheurs. Elle m’annonce que je suis le sixième.
Tout au long de la route des crucifix de toutes tailles avec autour plein de petits cailloux déposés par les pèlerins.
En route un cycliste dont j’ai fait la connaissance hier soir au gîte me dépasse. Il se galère un peu avec les ornières du chemin et les barrières à ouvrir et à fermer pour éviter que le bétail ne s’échappe. Lui aussi va à Compostelle. Il lui faudra seulement une dizaine de jours !
Au sommet de la côte qui suit Ferluc on découvre un paysage magnifique de bruyères, de rochers, de murets, de pinèdes. (Voir la photo du bandeau de page).
Passé Rieutord d’Aubrac, peu après midi, le chemin suit une route goudronnée dans la vallée de la Dévèze. Il fait très chaud, il n’y a pas un arbre. Tout est clôturé. Pas moyen de s’arrêter pour faire une pose.
Je saisis l’opportunité d’un petit chemin qui monte assez raide sur la colline, pour me mettre au frais à l’ombre de gros rochers. Il a fallu que j’escalade un muret. Mais enfin il n’y a plus qu’à prendre son temps et se reposer un peu. S’il fait très chaud au soleil, à l’ombre c’est limite : il y a encore de la rosée à l’abri des rochers.
Je redescends de mon promontoire vers 14 heures. J’ai piqué un petit roupillon. Ca fait du bien. C’est un peu dur de repartir, non pas à cause de la fatigue mais je serais bien resté à savourer l’instant.
A Nasbinals je me contente de visiter l’église : il est déjà plus de 15 heures et il me reste environ 9 km à faire. Il faut impérativement arriver avant 18 heures à Aubrac, heure limite d’accès au gîte.
Vers 17 heures Aubrac est enfin en vue. Le trajet m’a semblé interminable. La traversée de l’Aubrac est spectaculaire. C’est désertique, et pour tout dire un peu monotone : je n’y croise que quelques vaches qui me suivent d’un oeil langoureux. En plus je me suis égaré, pas un grand détour mais on comprend que par mauvais temps ça puisse être périlleux.
En arrivant à Aubrac il y a une stèle sur laquelle est inscrit « Dans le silence et la solitude on n’entend plus que l’essentiel ». Belle devise mais qu’est-ce que c’est que l’essentiel ? Est-ce que c’est « Vivement qu’on arrive ? », « Qu’est-ce qu’on mange ce soir ? », « J’ai mal au pied, j’ai soif… ». Qui sait, peut-être que plus loin sur le Chemin j’entendrai l’essentiel, un essentiel moins terre à terre.
Le gîte est situé dans la Tour des anglais. C’est rustique : au rez de chaussée les sanitaires (douches, WC, bacs pour la lessive), au premier la salle à manger-cuisine, puis les dortoirs. Je suis au troisième. C’est une véritable ascension. Chaque étage est très haut de plafond et les marches sont gigantesques ou me paraissent ainsi compte-tenu de mon état : je suis un peu en bout de course après cette longue étape. Malgré la fatigue il faut quand même que je lave mon linge. Pendant que, penché sur un bac, je frotte ma chemise et mes chaussettes, un couple entre dans une douche en riant et bientôt je comprends au silence qui s’installe qu’ils ont trouvé là un endroit plus intime que les dortoirs. Je me dépêche de terminer ma lessive…
En arrivant à Aubrac un thermomètre indiquait 35 degrés ! Le village est très touristique et je note la présence de nombreux établissements où je pourrais manger ce soir. Malheureusement au moment d’aller dîner je m’aperçois qu’ils sont tous fermés à l’exception de celui du Logis de France. Je n’ai pas le choix même si son tarif est hors du budget du simple pèlerin. Ca se complique encore quand ils m’annoncent qu’ils sont complets, mais, commerce oblige, ils m’installent un couvert dans le bar où je serai bientôt rejoint par un autre retardataire. Pour compenser les efforts de la journée j’en profite pour m’offrir des spécialités de la région : un aligot et un faux-filet d’Aubrac. J’ai quelques difficultés avec l’aligot mais la serveuse vient à mon secours et me montre comment me débrouiller avec deux cuillères ; malgré mes efforts répétés je ne maîtrise pas très bien ce tour de main, heureusement qu’en se refroidissant l’aligot devient plus docile. C’est bon mais ils sont débordés et le service est très long : je me couche vers 22 heures !
Ce soir, comme hier d’ailleurs, il n’y avait pas de réseau, il a donc fallu trouver une cabine téléphonique pour organiser la suite du périple. Demain je coucherai à Espalion situé à 31 km.
Pour Azalaïs
Bonjour,
A cette époque j’étais peut-être effectivement non pas préoccupé par le kilométrage, mais tout à la joie de découvrir cette aptitude à marcher longtemps, j’avoue que j’y prenais un grand plaisir.
A chacun son Chemin
Pierre
Re: Aubrac
Je trouve un peu triste cette préoccupation du kilométrage et du gîte. Pour moi qui ai choisi de ne faire que des étapes courtes (pas plus de 20 km) j’ai vraiment apprécié la traversée de l’Aubrac à sa juste valeur, un paysage fait d’air de roches et d’herbes qui embrassent une multitude de fleurs, un endroit où rien n’est en trop et qui vous apprend l’essentiel. Je me suis aussi longuement arrêtée dans les chapelles, j’ai visité les villages, bavardé avec les agriculteurs…Oui, c’est vrai chacun son chemin
L’envie de partir…
Je n’ai »parcouru » que quatre étapes… et déjà me prend l’envie de partir… On y réfléchit…
Merci pour cette invitation au voyage !
Xavius
Bonjour Franck
Merci !
Amitié à la Provence
Re: Aubrac
bonjour Pierre / j’ai fait le chemin en septembre 2003 / depart Avignon / puis la route d’Arles … en velo avec un ami / nous avons mis 11 jours … mais nous sommes passés par Roncevaux ….. bravo pour tes commentaires et tes photos …. je ne m’ennuie pas en lisant la description de tes étapes … tu trouves les mots simples et humains qui me font voyager …. merci pour tout ce travail de qualité qui aidera plus d’un pelerin novice … pensées amicales Franck en Provence
Pour Françoise
Je n’ai pas connu la neige, cela doit être un peu impressionnant (je me suis égaré par beau temps !) mais magnifique.
aubrac
c’était début Mai et sous la Neige de Aumont d’Aubrac à St Chély étape aux Gentianes ….durs mais très bons souvenirs……..
RE : Les 4 premières étapes
Merci Susie de m’accompagner ainsi. J’espère que tu tiendras le coup jusqu’au bout
Les 4 premières étapes
Pierre tu me fais voyager et tu me dépayses, qu’il est agréable de te lire et de découvrir les chouettes images que tu as prises !Moi aussi j’aimerais savoir ce qu’est l’essentiel….
De découvrir ces lieux grâce à toi est un réel plaisir, je continue demain.
Merci à toi
susie
Re: Aubrac
Salut Gilles. Pour la réponse je vais peut-être la trouver suite à ce travail de rédaction. Peut-être !
Re: Aubrac
« Je suis très impressionné, surtout par: « Dans le silence et la solitude on n’entend que l’essentiel ». Belle devise mais qu’est-ce que c’est que l’essentiel ? Est-ce que c’est « Vivement qu’on arrive ? », « Qu’est-ce qu’on mange ce soir ? », « J’ai mal au pied, j’ai soif… ». Qui sait, peut-être que plus loin sur le Chemin j’entendrai l’essentiel, un essentiel moins terre à terre. »
Tu nous étonnera toujours: bravo pour ton voyage, et merci pour ton site, vite la suite ! et la réponse ? bonne année, Gilles »
Re: Aubrac
Bienvenus Roger, Veron et MAP (no longer Anonymous) je vais essayer d’être à la hauteur de vos espérances !
Re: Aubrac
Anonymous is not my name ….
Habituellement chez Bernard je signe MAP. Je suis ravie de faire votre connaissance et espère bien suivre votre passionnant périple.
Re: Aubrac
J’ai aimé cette vielle dame assise sur le muret et qui compte les marcheurs …
Re: Aubrac
et vos photos me font rêver………
Re: Aubrac
Pierre.
Félicitation pour la rigueur et beauté de la mise en page de ton périple.
Courage pour terminer ta rédaction, il serait dommage d’avoir fait 1600 KM et de ne pas aller au bout de ta rédaction.
Tiens-moi au courant sur l’évolution de ton site, si tu peux.
Cordialement.
Roger.